mercredi 1 mars 2017

Le piège la colonisation.



Emmanuel Macron vient à son tour de buter sur la colonisation. Sujet sensible s'il en est.  D'autres en leurs temps avaient déclenché quelques vives réactions en parlant des "bienfaits de la colonisation"…



Avant d'entamer une quelconque polémique sur un terme il convient de faire un peu de sémantique. Et de ce point de vue l'Académie Française comme le Larousse soulignent que l'usage que nous faisons de ce mot est impropre. En effet, le terme de colonisation devrait être réservé à la conquête d'un terrain vierge. Dans le cas où le pays conquis est déjà occupé par une population où une civilisation, il faut alors parler d'invasion… terme nettement moins  facile à positiver…



Dans son acception habituelle, la colonisation implique toujours soumission et écrasement. C'était d'ailleurs une définition utilisée en biologie pour expliquer la disparition d'une espèce suite à la prolifération d'une autre. Mais non seulement la colonisation suppose la disparition totale ou partielle, d'un système, social, culturel ou économique au profit d'un autre (pas forcément adapté), mais elle est imposée aux colonisés. Et de plus elle s'accompagne toujours d'une exploitation des richesses du pays colonisé au profit du colonisateur. Si cela s'accompagne de transferts technologiques ou d'éléments de confort, peut-on parler de "bienfaits de la colonisation" ?



Un exemple me vient à l'esprit. Savez-vous qu'on trouve toujours des toilettes de libre au Pentagone ? En fait le bâtiment a été construit dans une période où la ségrégation était très forte, et les bâtisseurs ont donc doublé le nombre de lieus d'aisance pour pouvoir séparer les toilettes des noirs et celles des blancs… La mesure n'a jamais été appliquée, mais il en résulte des sanitaires en surnombre et le confort qui va avec. Peut-on parler d'un bienfait de la ségrégation ? Et est-ce que cela peut faire passer la ségrégation pour quelque chose de positif ?

Pas plus il me semble qu'on ne peut parler des bienfaits de la guerre en considérant les actes héroïques qui peuvent s'y dérouler.



La colonisation, comme la ségrégation ou le génocide (qui peuvent aussi être partiels…), la guerre ou l'esclavage sont des termes intrinsèquement négatifs. Et dont les effets primaires sont catastrophiques pour l'humanité.



Ce qui ne veut bien sûr pas dire que toutes les personnes impliquées étaient des gens mauvais ou criminels. Certains colons avaient des ambitions sincères pour les colonies, des découvreurs avaient des projets humanistes. Beaucoup de pieds-noirs avaient un attachement sincère à l'Algérie, leur pays. De nombreux harkis, pensaient tout aussi sincèrement défendre l'intérêt de leur pays.

Mais cette cohabitation entre les peuples s'est presque toujours terminée en catastrophe du fait même du principe de colonisation.



La médecine, citée parfois comme exemple d'apport aux pays colonisés, est tout à fait représentative de cette méprise.

Bien sûr, elle est utile aux populations colonisées, mais elle n'avais pas besoin de la colonisation pour être offerte. Remarquons, que nous bénéficions de l'acupuncture chinoise, sans que les chinois ne nous aient colonisés.  Que ces échanges culturels ou scientifiques soient associées à la colonisation ne les sert pas. Les Chinois, plus ouverts à ce qui vient de l'extérieur, ont adopté certains aspects de notre médecine moderne sans renoncer à la leur et profitent ainsi mieux de  cet échange que nous, qui ne raisonnons qu'en rapport de supériorité.

La colonisation a imposé notre vue de la médecine moderne au monde colonisé, niant et interdisant les pratiques ancestrales. Et de ce fait, en plus d'avoir importé des maladies que ces populations ne connaissaient pas, nous avons perdu les techniques de guérison qui soulageaient. Progressivement, mais avec tout le retard que notre démarche colonialiste à introduit, nous redécouvrons les vertus de l'hypnose (transe ?), les richesses ahurissantes de la pharmacopée tropicale qui repose sur 200 fois plus de plantes que notre flore de pays tempérés. Certains médecins admettent le pouvoir de guérisseurs (j'ai moi-même vu des oncologues conseiller à leurs patients de trouver un "coupeur de feu" pour les soulager des effets douloureux des rayons…). 


La démarche colonialiste n'est pas curieuse, elle est suffisante par nature.


Pire, avec  notre médecine "moderne", nous avons imposé partout ses tares liées à notre système commercial. A la suite de nombreux scandales, on découvre la mainmise des laboratoires sur notre médecine, les prescriptions et les soins que nous recevons. Nous maintenir en mauvaise santé rapporte plus à certains industriels que nous guérir. Et les ex-colonies, aujourd'hui dépendantes de cette industrie, subissent de plein fouet ces dérives sans profiter de tous ses avantages….

Pas question de nier les bienfaits de notre médecine, mais de noter que sans les effets pervers de la colonisation, cet apport aurait été bien plus profitable pour tous.



Les mots d'Emmanuel Macron étaient maladroits, dans la mesure où ils ne distinguent pas  le principe de colonisation – nocif - des personnes impliquées dans et colonisation dont le rôle et de les intentions pouvaient être honorables. Mais la colonisation en elle-même est une faute, une calamité dans l'histoire de l'humanité que les générations futures condamneront. 



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