Emmanuel Macron vient à son tour de buter sur la
colonisation. Sujet sensible s'il en est.
D'autres en leurs temps avaient déclenché quelques vives réactions en
parlant des "bienfaits de la colonisation"…
Avant d'entamer une quelconque polémique sur un terme il
convient de faire un peu de sémantique. Et de ce point de vue l'Académie
Française comme le Larousse soulignent que l'usage que nous faisons de ce
mot est impropre. En effet, le terme de colonisation devrait être réservé à la
conquête d'un terrain vierge. Dans le cas où le pays conquis est déjà occupé
par une population où une civilisation, il faut alors parler d'invasion… terme
nettement moins facile à positiver…
Dans son acception habituelle, la colonisation implique
toujours soumission et écrasement. C'était d'ailleurs une définition utilisée
en biologie pour expliquer la disparition d'une espèce suite à la prolifération
d'une autre. Mais non seulement la colonisation suppose la disparition totale
ou partielle, d'un système, social, culturel ou économique au profit d'un
autre (pas forcément adapté), mais elle est imposée aux colonisés. Et de plus elle s'accompagne
toujours d'une exploitation des richesses du pays colonisé au profit du
colonisateur. Si cela s'accompagne de transferts technologiques ou d'éléments
de confort, peut-on parler de "bienfaits de la colonisation" ?
Un exemple me vient à l'esprit. Savez-vous qu'on trouve
toujours des toilettes de libre au Pentagone ? En fait le bâtiment a été
construit dans une période où la ségrégation était très forte, et les bâtisseurs
ont donc doublé le nombre de lieus d'aisance pour pouvoir séparer les toilettes
des noirs et celles des blancs… La mesure n'a jamais été appliquée, mais il en
résulte des sanitaires en surnombre et le confort qui va avec. Peut-on parler
d'un bienfait de la ségrégation ? Et est-ce que cela peut faire passer la
ségrégation pour quelque chose de positif ?
Pas plus il me semble qu'on ne peut parler des bienfaits de
la guerre en considérant les actes héroïques qui peuvent s'y dérouler.
La colonisation, comme la ségrégation ou le génocide (qui
peuvent aussi être partiels…), la guerre ou l'esclavage sont des termes
intrinsèquement négatifs. Et dont les effets primaires sont catastrophiques
pour l'humanité.
Ce qui ne veut bien sûr pas dire que toutes les personnes
impliquées étaient des gens mauvais ou criminels. Certains colons avaient des
ambitions sincères pour les colonies, des découvreurs avaient des projets
humanistes. Beaucoup de pieds-noirs avaient un attachement sincère à l'Algérie,
leur pays. De nombreux harkis, pensaient tout aussi sincèrement défendre
l'intérêt de leur pays.
Mais cette cohabitation entre les peuples s'est presque
toujours terminée en catastrophe du fait même du principe de colonisation.
La médecine, citée parfois comme exemple d'apport aux pays
colonisés, est tout à fait représentative de cette méprise.
Bien sûr, elle est utile aux populations colonisées, mais
elle n'avais pas besoin de la colonisation pour être offerte. Remarquons, que nous bénéficions de l'acupuncture chinoise, sans que les
chinois ne nous aient colonisés. Que ces
échanges culturels ou scientifiques soient associées à la colonisation ne les sert pas. Les Chinois, plus ouverts à ce
qui vient de l'extérieur, ont adopté certains aspects de notre médecine moderne
sans renoncer à la leur et profitent ainsi mieux de cet échange que nous, qui ne raisonnons qu'en
rapport de supériorité.
La colonisation a imposé notre vue de la médecine moderne au
monde colonisé, niant et interdisant les pratiques ancestrales. Et de ce fait,
en plus d'avoir importé des maladies que ces populations ne connaissaient pas, nous avons perdu les techniques de guérison qui soulageaient.
Progressivement, mais avec tout le retard que notre démarche colonialiste à
introduit, nous redécouvrons les vertus de l'hypnose (transe ?), les richesses
ahurissantes de la pharmacopée tropicale qui repose sur 200 fois plus de plantes
que notre flore de pays tempérés. Certains médecins admettent le pouvoir de
guérisseurs (j'ai moi-même vu des oncologues conseiller à leurs patients de
trouver un "coupeur de feu" pour les soulager des effets douloureux
des rayons…).
La démarche colonialiste n'est pas curieuse, elle est
suffisante par nature.
Pire, avec notre médecine
"moderne", nous avons imposé partout ses tares liées à notre système
commercial. A la suite de nombreux scandales, on découvre la mainmise des
laboratoires sur notre médecine, les prescriptions et les soins que nous
recevons. Nous maintenir en mauvaise santé rapporte plus à certains industriels
que nous guérir. Et les ex-colonies, aujourd'hui dépendantes de cette industrie,
subissent de plein fouet ces dérives sans profiter de tous ses avantages….
Pas question de nier les bienfaits de notre médecine, mais
de noter que sans les effets pervers de la colonisation, cet apport aurait été
bien plus profitable pour tous.
Les mots d'Emmanuel Macron étaient maladroits, dans la
mesure où ils ne distinguent pas le
principe de colonisation – nocif - des personnes impliquées dans et
colonisation dont le rôle et de les intentions pouvaient être honorables. Mais
la colonisation en elle-même est une faute, une calamité dans l'histoire de
l'humanité que les générations futures condamneront.
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