mardi 11 juillet 2023

Les aveugles sont devant l’abîme…


 

À chaque période de troubles et de violences de rue, on voit les mêmes commentateurs politiques se poser les mêmes questions et émettre les mêmes hypothèses sur les causes de cette dégradation de la vie sociale. Pourtant les signes explicites s’accumulent depuis des années.

En 2002, lors des élections présidentielles, le président sortant obtiendra 19,88 % des voix. Ça n’est pas qu’un désaveu personnel, l’autre « parti de gouvernement » représenté par Lionel Jospin fera à peine 16 % et, séisme politique, se fera battre par J.M. Lepen de l’extrême droite.

Le message est clair : on ne veut plus de ces politiques « traditionnels » qui font de la politique politicienne et ne gouvernent pas dans notre intérêt.


En 2007, Nicolas Sarkozy qui a compris et retenu la leçon, fait campagne sur le thème « vous en avez marre de ces politiques qui ne tiennent pas leur parole, qui ne font rien pour vous. Moi je ferai ! ». De leur côté les socialistes, lors d’une primaire, éliminent sèchement le scandale du sang contaminé (L. Fabius) et le scandale de la MGEN (D. Strauss-Kahn) au profit d’une candidate opportuniste et mal connue donc plus ou mons nouvelle : Ségolène Royale. Même F. Bayrou, habituel troisième larron dépassera les 18 %. Mais au premier tour Sarkosy ne dépassera pas les 31 %.

Le message est à nouveau clair : on veut du nouveau, autre chose !

Une fois élu, la bonne communication de campagne de Sarkosy se vautre. Mal conseillé, il cherche des voix à l’extrême droite, c’est une erreur stratégique. En 2012, après l’élimination de D. Strauss-Kahn qui avait pourtant redoré son blason au FMI, les socialistes organisent une primaire où 5 « dinosaures » se partagent le gâteau avec des scores de près de 20 % chacun… Aucun candidat ne se détache, ne séduit. C’est une campagne par défaut qui laisse la place à un F. Hollande fadasse.

Les électeurs veulent autre chose mais les partis politiques ne l’entendent pas, trop préoccupés à préserver un système fait pour eux… pas pour les électeurs.

En 2017, les électeurs se précipitent vers un nouvel arrivant dont on ne sait pas grand-chose. Mais il est jeune, et n’appartient pas au sérail. Il répond donc à ce besoin d’autre chose que les partis traditionnels, en complète déconfiture, ne veulent pas voir.

Emmanuel Macron est élu, fait illusion un temps, puis déçoit. Des mesures comme la suppression du RSI (donc à l’encontre du grand capital qui se sucre sur les Français) vont dans le bon sens, mais d’autres comme la suppression de l’ISF en même temps que la diminution des allocations familiales, envoient un mauvais message. Une communication désastreuse tant dans les actes que dans les mots renvoie l’image d’un président et d’un gouvernement hors sol, loin de la réalité des Français.

Et c’est la révolte des gilets jaunes


Mouvement curieux que ces gilets jaunes :

- Au moment où il se produit, la France ne va pas particulièrement mal. Ça n’est pas un événement ou une circonstance particulière qui déclenche le mouvement, mais la déception ! On veut autre chose, des gens qui gouvernent selon notre réalité, pas ces privilégiés qui vivent dans un monde protégé, et continuent à s’octroyer des privilèges.

Le signal est fort ! Mais il en dit bien plus.

- Le mouvement est exceptionnellement, mais inégalement violent. J’ai vu des défilés pacifiques de gens qui discutaient volontiers. Et dans la même ville (Lyon) à d’autres horaires, des casseurs qui revendiquaient un acte politique. Bien avant l’arrivée des black blocks, les casseurs qui s’attaquaient aux monuments ou aux vitrines des commerçants portaient bien des gilets jaunes. En démolissant le patrimoine des Français, en cassant l’outil de travail de Français, en détruisant les biens vitaux de Français (voitures incendiées…), en bloquant les citoyens dans divers ronds-points, c’est bien aux Français que se sont attaqués les gilets jaunes… pas au gouvernement !

Plus troublant encore, cette pratique qui consistait à ne laisser passer aux ronds-points que ceux qui affichaient un gilet jaune ou klaxonnaient en signe d’approbation : « Soyez de notre côté ou nous nous en prendrons à votre liberté de circuler, vos libertés individuelles. »... Interdit de penser autrement. Pratiques qui constituaient en leur temps les premières manifestations de chemises brunes ou noires… Contrairement à ce que le wokisme ambiant laisse entendre, la justesse d’une cause ne justifie pas tous les moyens de la défendre.

- Ces mouvements ont été largement soutenus par les formations d’extrême droite de Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon.


Nos analystes ou nos dirigeants parlent toujours d’un feu qu’il faudrait éteindre, en ignorant ou feignant d’ignorer le mouvement de fond, sans se remettre en question. Les partis traditionnels n’offrent toujours pas d’alternative.

Pourtant, dans un monde qui se bipolarise entre dictatures et démocraties, les autocrates, eux, ne se voilent pas la face. Ils observent, attisent et attendent une victoire du totalitarisme grâce aux faiblesses et à l’aveuglement de nos démocraties.


Toujours dubitatif ? Alors passons aux exemples concrets :

En 1922 l’Italie est en crise. Le pouvoir en place et les partis de gouvernement traditionnels sont décrédibilisés. Un certain Benito, anticapitaliste, ancien membre du Parti Socialiste Italien dont le nouveau parti est minoritaire, attise les rivalités, mobilise la foule avec des excès oratoires et des discours enflammés et manichéens, se présente comme un sauveur, et profite de l’instabilité politique pour créer des alliances éphémères et s’installer au pouvoir, faisant preuve d’un ego démesuré, instaure un culte de la personnalité et une terrible dictature.

Le peuple qui le pendra n’avait rien vu venir…

 

En 1933 l’Allemagne subit la Grande dépression. Le pouvoir en place et les partis de gouvernement traditionnels sont décrédibilisés. Un certain Adolf, anticapitaliste, membre du parti minoritaire (National)-Socialiste, utilise la violence politique, mobilise la foule avec des excès oratoires et des discours enflammés et manichéens, se présente comme un sauveur, bricole des alliances pour s’installer au pouvoir en profitant de la pagaille qu’il a largement contribué à créer, montrant un ego démesuré, instaure un culte de la personnalité et une terrible dictature.

Le peuple engagé dans une guerre féroce avait espéré.


En 2023 la France va mal. Le pouvoir en place et les partis de gouvernement traditionnels sont décrédibilisés. Un certain Jean-Luc, anticapitaliste, ancien membre du Parti Socialiste dont le nouveau parti est minoritaire, attise les haines, la violence politique et verbale, et encourage la déstabilisation, mobilise la foule avec des excès oratoires et des discours enflammés et manichéens, se présente comme un sauveur, crée des alliances pour conquérir le pouvoir, dépassé par son ego démesuré, instaure un culte de la personnalité et…

En l’absence d’un parti de gauche auquel raccrocher ses espoirs, une partie du peuple veut y croire.

Mais une comparaison des trajectoires, postures, méthodes, saillies et discours de ces trois individus est glaçante

 

vendredi 20 janvier 2023

La réforme des retraites... le consensus du mensonge

A priori, dans un système qui se veut social, démocratique et par répartition, le discours de la première ministre est audible. Équilibrer les comptes est une nécessité et augmenter le temps de cotisation semble être une solution. Sauf qu’à y regarder de plus près avec un peu de bon sens… c’est absurde !

- Un salarié qui par à la retraite est remplacé… on ne change pas le nombre de cotisants, donc le volume de cotisation.

- Un salarié qui reste en poste plus longtemps n’est pas remplacé… et on ne change pas le nombre de cotisants, donc le volume de cotisations.

Le volume des cotisations dépend uniquement du nombre de salariés qui cotisent, donc du nombre de postes effectivement pourvus, donc du taux de chômage ! En aucun cas de la durée pendant laquelle chaque titulaire occupe le poste ou du nombre de titulaires qui se succéderont à ce poste…

Autrement dit, l’allongement de l’âge de la retraite ne crée pas de poste, n’augmente pas le nombre de cotisants et ne changera rien au volume de cotisation encaissé par notre système de retraite ! Et en lui-même ne contribuera pas à l’équilibre de celui-ci

Et c’est particulièrement évident dans un pays comme le nôtre où le taux de chômage est élevé. Certes, cela fait moins de retraites à payer, mais on doit indemniser les chômeurs qui ne peuvent pas occuper les postes qui ne se libèrent pas.

Alors pourquoi le gouvernement s’accroche-t-il à cette mesure apparemment inefficace et impopulaire ? À cause de ses effets pervers.

Dans la réalité si 2 sur 3 des 50-64 ans travaillent, ce taux tombe à seulement 1 sur 3 si on ne considère que les 60-64 ans1, et ne peut que décroître avec l’âge, dans une tranche où il est quasiment impossible de se faire réembaucher.

Seulement un senior sur 3 a du travail, et si on retire de cette minorité, les fonctionnaires, les professions libérales, et ceux dont l’emploi est plus ou moins pérennisé et qui ne cotisent pas, pour la plupart, au régime général, on tombe à quelques pourcents…

Autrement dit, plus on recule l’âge (officiel) de départ à la retraite, plus il y aura de gens qui ne pourront pas cumuler le nombre de trimestres nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein (auquel beaucoup n’arrivent qu’à l’aide de petits boulots en fin de carrière !). Autrement dit le recul de l’âge de retraite, a pour véritable but de multiplier les postulants à la retraite qui n’auront plus droit à un taux plein et toucheront une retraite fortement diminuée…

L’équilibrage du régime de retraite par le recul de l’âge de la retraite et l’augmentation de la durée de cotisation, ne peut en aucun cas reposer sur l’espoir d’encaisser plus de cotisations, mais se fera uniquement par l’appauvrissement drastique du niveau des retraites pour une grande partie de la population non protégée : les salariés du privé, la population qui crée la richesse du pays.


Et pourtant la réforme des retraites est nécessaire ! Il suffit de se confronter à ce système pour le comprendre. Notre système de retraite est opaque, extrêmement gourmand en frais de fonctionnement et un des plus injustes du monde.

Dans un post précédent2, je reviens sur les interactions, les dysfonctionnements, les aberrations, la lourdeur et l’inefficacité de ce monstre composé de l’Assurance Retraite, la Caisse Régionale de retraite, Info-retraite, AGIRC-ARCO et toutes les caisses parallèles parasites et inutiles qui (et je parle d’expériences personnelles) rendent notre système aussi opaque que coûteux et inapte à répondre aux besoins des usagers.

J’y expose aussi l’arnaque des délégations, et des différentes caisses de retraite complémentaires, génératrices d’injustices de surcoûts.

Il y a là un potentiel considérable d’économie, de progrès et de justice sociale.


Avant de rallonger la durée du travail pour créer plus de retraités pauvres, ne serait-il pas nécessaire de mettre en œuvre cette mesure évidente intégrée au premier projet du gouvernement Macron, qui proposait la suppression des 42 caisses de retraite complémentaire ? Si elles sont d’origines et de raisons d’être diverses, toutes pénalisent fortement la démocratie et notre système de retraite.

* Supprimons ces délégations de service public obtenues par des acteurs de la finance (banques, assurances…) auprès de gouvernements corrompus, qui multiplient les traitements d’un même dossier et n’ont pour seule fonction que de permettre à ces organismes de se sucrer sur le budget des retraites avec des pratiques souvent douteuses, et sans aucune utilité, ni pour le gouvernement, ni pour les retraités.

On aimerait entendre notre gouvernement et nos syndicats s’attaquer un peu plus courageusement à ces dérives capitalistes.

* Supprimons ces exceptions malsaines qui permettent aux professions à hauts revenus (comme les notaires, les avocats, les pilotes, etc.) de ne pas participer à la solidarité nationale sur laquelle repose pourtant notre système social. On comprend bien sûr, la volonté de ceux-ci de ne pas cotiser pour la plèbe, les manants et les smicards, comme ils le font déjà pour la Sécu ! Une solidarité dont peuvent s’exclure ceux qui peuvent s’en sortent par eux-mêmes grâce à leurs gros moyens… n’a juste aucun sens !

On aimerait entendre notre gouvernement et nos syndicats s’attaquer un peu plus courageusement à ces lobbys influents.

 * Supprimons surtout les caisses des régimes spéciaux, dénis de démocratie, qui ne doivent leur existence qu’au pouvoir de blocage des corporations auxquelles elles bénéficient. Les régimes spéciaux ne sont jamais justifiés par des conditions de travail ou la pénibilité (si celles-ci doivent être prises en compte, c’est de la même façon pour tous ceux qui y sont soumis, donc sans « régime spécial ». Instaurer un régime spécial, c’est faire payer cette pénibilité des uns par les autres, sur le simple critère du pouvoir de blocage d’une corporation quelle que soit la pénibilité effective !)

On aimerait entendre notre gouvernement parler vrai sur ce sujet et nos syndicats découvrir la justice sociale.


J’en reviens toujours à la même conclusion :

Une réforme est urgente et nécessaire, mais vers plus de justice et d’intégrité. Et elle passe par la réduction à une seule entité de la cinquantaine d’organismes qui trafiquent avec nos retraites, et une situation claire où les réformes sont indiscutables. Pas par le leurre de l’allongement du temps de cotisation des gens refusés par le marché du travail, et l’appauvrissement programmé de nos retraités.



1https://observatoire-des-seniors.com/669-des-50-64-ans-en-activite-en-2019/

2http://philippedroger.blogspot.com/2021/07/les-hypocrites-de-la-retraite.html

lundi 29 novembre 2021

La Guadeloupe en crise ! Quelques clefs pour comprendre.

 

La Guadeloupe est en crise, barrages, émeutes, incendies, tirs d’armes à feu. C’est un phénomène qui peut sembler récurrent, difficile à comprendre de l’extérieur, et aux racines complexes. J’y vis depuis bientôt 35 ans, et je vais m’efforcer de fournir ici quelques clefs de compréhension.


Le refus de l’« obligation » vaccinale

Comme partout dans le monde, l’arrivée rapide d’un vaccin présenté comme issu d’une technologie nouvelle a généré quelques inquiétudes bien compréhensibles… En Guadeloupe plus qu’ailleurs, dès le départ. De plus, maintenant qu’il est établi que le vaccin est efficace et que les vaccinés sont 8 à 9 fois moins contagieux et moins sujet à des formes graves, la méfiance s’apaise progressivement ailleurs, pas en Guadeloupe.

Et pourtant, de nombreuses familles sont touchées, les chiffres sont catastrophiques (jusqu’à 100 % de non vaccinés hospitalisés au début de l’automne), il y a des containers réfrigérés près des hôpitaux pour suppléer aux insuffisances de la morgue… mais rien n’y fait.

Dans cette population où, les réactions sont souvent passionnelles, il ne faut pourtant pas s’étonner d’une telle réaction.

- D’abord on se méfie de ce qui vient de l’extérieur. On ne se sent pas respecté par les autres populations, alors les rapports sont souvent empreints de suspicion. Avec cela, différentes croyances en des forces cachées sont encore très vivaces et cette combinaison des deux constitue un terrain idéal pour toutes les théories du complot, y compris les plus invraisemblables ! Et dans ce cas, la présentation d’arguments rationnels ne convainc pas, elle ne fait souvent qu’accentuer le déni.

- Ensuite le rapport à l’autorité est toujours compliqué ici. Plus que l’esclavage, les séquelles de la colonisation et la crainte du racisme font qu’elle est souvent mal vécue, délicate à exercer… Alors plus que la vaccination en elle-même, c’est l’« obligation » qui est impopulaire. On présente alors le gouvernement comme « colonial » et on choisit son camp en fonction de ce critère, quoi que dise la raison. Et plus qu’ailleurs encore, l’orgueil interdit tout retour en arrière, même devant l’évidence. Beaucoup de situations deviennent ainsi des impasses.

- Le scandale du Chlordécone renforce cette méfiance et est souvent employé pour la justifier. Mais c’est un argument à double tranchant :

En 1990, sous la pression d’un lobby antillais (planteurs de bananes), l’État a accordé une dérogation pour prolonger l’usage du chlordécone (démontré internationalement nocif) aux Antilles. Aujourd’hui, on lui reproche (à juste titre !) un manquement à son devoir de protection de la population.

Si aujourd’hui, à la demande d’un quelconque groupe de pression antillais, l’État en vient à accorder une dérogation sur la vaccination (alors que la non-vaccination est reconnue internationalement comme létale), l’Etat prend le risque de se voir reprocher à nouveau un manquement à son devoir de protection de la population.

Un dernier point mérite d’être soulevé. Si on raisonne au singulier et qu’on considère que le vaccin n’est qu’une protection personnelle, alors l’obligation vaccinale est évidemment un non-sens et inacceptable. Si on pense collectivement et donc que le vaccin est d’abord une façon de protéger son entourage (en diminuant la probabilité d’être un vecteur de contamination) et de participer à l’immunité collective, alors le vaccin est une évidence.
Or en Guadeloupe on pense peu collectif. Le discours face au vaccin le démontre, mais pas seulement. En sport, si la Guadeloupe a donné à la France un nombre impressionnant (même disproportionné) de grands footballeurs, la Guadeloupe en tant qu’équipe, est régulièrement éliminée aux premiers tours des compétitions nationales. C’est vrai aussi en cyclisme, où l’équipe de Guadeloupe se fait régulièrement dominer sur son terrain (Tour de Guadeloupe) par des équipes de seconde zone… Dans la vie courante, les Guadeloupéens sont souvent des gens très propres chez eux, mais le domaine public (collectif) est constellé de décharges sauvages et les canettes en tous genres s’accumulent sur les bords de routes… Enfin, en politique, des hommes corrompus sont systématiquement élus (et réélus) – j’y reviendrai - dans l’espoir d’obtenir un petit job, une petite faveur… Et tant pis si c’est l’argent public qui finance ces cadeaux et que la plupart des communes sont en faillite ! Ce sont les pays qui ont la plus forte conscience collective (Israël, Danemark…) qui ont été les premiers vaccinés.


La vie chère !

C’est un fait incontestable, et ceux qui ont séjourné en Guadeloupe le savent, le coût de la vie y est élevé (12,5 % en 2016 d’après l’INSEE, mais c’est un peu comme le froid, le ressenti est bien pire ! D'autant que l'alimentation - produit de première nécessité s'il en est - souffre d'un surcoût de 34 à 38% !). Les fonctionnaires qui touchent un sursalaire de 40 % s’en tirent bien, mais pour les autres, ceux du privé, dont les revenus sont souvent inférieurs à ceux de la métropole, c’est lourd à porter.

C’était la revendication principale du LKP lors des mouvements de grève de 2009 qui ont bloqué l’île pendant 2 mois. Mais cette crise n’a rien changé fondamentalement, et les analyses qu’on entend dans les médias laissent dubitatif !

Tout d’abord délégitimons deux fausses raisons souvent invoquées :

- C’est l’octroi de mer (taxe locale) qui rend tout plus cher. Faux. L’octroi de mer vient en remplacement de taxes nationales. Au lieu d’avoir 20 % de taxes d’état, Aux Antilles on a environ 10 % de taxe nationales + 10 % de taxes locales. L’octroi de mer n’engendre donc pas de surcoût significatif.

- L’éloignement des centres de production entraîne des frais de transport importants. Souvent faux. Ça ne coûte pas plus cher d’expédier une automobile ou un container d’ordinateurs du Japon ou de Corée, en Guadeloupe qu’en France métropolitaine. Pour les ingrédients ramenés en container de métropole, ce qui coûte cher c’est la containérisation et le dépotage, et ils sont comparables pour un trajet Strasbourg Paris ou Strasbourg Pointe-à-Pitre. Quant à la distance parcourue en cargo, elle coûte peu. Ramené à un paquet de biscuit au milieu d’un container, ce surcoût lié au parcours maritime et inférieur au centime d’euro !

- Ce qui explique le coût élevé des marchandises aux Antilles, ce sont les monopoles. Les familles des anciens colons (ceux qu’on appelle les békés en Martinique) possèdent la plupart des sociétés d’import-export, les grossistes et les chaînes de supermarchés. Alors ils pratiquent les prix qu’ils veulent, et les autres s’alignent. Quand Leclerc a cru flairer la bonne opportunité an Martinique, en observant qu’il était facile de casser les prix. Il s’est installé un an, puis a été prié de partir. Pas question de casser le marché. Les békés ont un monopole féroce de certains secteurs, comme l’agroalimentaire ou l’automobile.

La forte prise de participation du groupe Hayot dans le groupe Promodes (Carrefour) fait qu’il est un des rares franchisés à pouvoir se permettre de masquer les prix Carrefour (normalement imposés pour tous les magasins) par une étiquette au tarif supérieur.

Un exemple me paraît très représentatif de ces anomalies. Au début des années 90, acheter un ordinateur en Guadeloupe coûtait deux fois plus chers (200 %!) qu'en métropole. Dans ce secteur pas encore « réservé » un trouble-fête métropolitain est venu s’installer (PC Leader), offrant des ordinateurs à 120 % du prix métropole. Dans le mois tous les revendeurs locaux se sont alignés et continuent à vendre (aujourd’hui à peine plus cher qu’en métropole) en étant largement bénéficiaires. C’est dire les marges ahurissantes qu’ils se faisaient avant.

- Une autre cause des prix élevés, est la curieuse gestion des ressources et l’absence d’autonomie de l’île, notamment dans le domaine agroalimentaire, mais là encore l’influence des importateurs n’est pas un mythe. Et puis l’agriculture repose essentiellement sur la canne et la banane, produits d’exportation qui appauvrissent la Guadeloupe. Quand un planteur touche 3 euros pour ses bananes, il y a en fait 1 euro de vente réelle et 2 euros de subventions d’état, qui pourraient être utilisés utilement à autre chose qu’à faire survivre des plantations non concurrentielles. Parallèlement on importe tous les ans en Guadeloupe 10 000 tonnes d’agrumes… Cherchez l’erreur.


Le manque d’eau au robinet...

Là aussi c’est une réalité ! Le réseau d’eau est vétuste, perd un tiers de sa production dans les fuites, comprend encore des tuyaux en fibrociment, date des débuts de la départementalisation. Certaines zones ne sont desservies que par intermittence. Les piquages ont été bricolés au lieu d’être réparés après les cyclones. Non seulement la distribution est défaillante mais il est difficile d’avoir confiance dans la qualité de l’eau. D’où la consommation importante de bouteilles d’eau, vendues trois fois plus chères qu’en métropole.

Tout le monde le constate, et les responsables sont connus. Les réseaux d’eau ont depuis longtemps été gérés par des « syndics », Siaeg et autres. Ces entités sont créées par les communes et sous la responsabilité des élus locaux eux-mêmes élus par les Guadeloupéens. De nombreux scandales trop vite étouffés ont montré que la plupart des communes (plutôt mieux dotées qu’en métropole) ne finançaient pas ces syndics à hauteur des engagements et des besoins et que le peu d’argent que ceux-ci recevaient servait à financer des voyages ou des appartements aux cadres et aux élus qui les avaient nommés1.

L’exploitation de ces réseaux d’eau est confiée à des « fermiers » (Générale des Eaux, etc.) qui encaissent les paiements des usagers mais n’ont en charge que les réparations… Le financement du développement et de l’entretien préventif est parti dans les poches des politiciens locaux.


On touche là une des principales causes des difficultés de la Guadeloupe. Depuis des décennies, les Guadeloupéens votent pour des maires corrompus, et connus comme tels (parfois déjà condamnés!), parce qu’ils en espèrent un avantage personnel, au mieux un emploi dans la fonction publique (très bien rémunéré!). Le résultat est que les communes de Guadeloupe ont en moyenne trois fois plus d’employés communaux par habitant qu’en métropole (et bien payés, ce sont des amis…). Alors que les communes sont mal entretenues, il n’y a que des chefs ! Les deux tiers du budget communal passent dans la masse salariale et 30 communes sur 33 devraient être déclarées en faillite. Mais quand on vote pour un maire corrompu dans l’espoir de tirer profit de l’argent public à titre personnel, il ne faut pas s’attendre à ce que le reste du budget soit géré au bénéfice de la collectivité et que le maire ne se serve pas aussi pour lui !

Mais détourner de l’argent public (lajen léta) n’est pas ici considéré comme immoral… On s’en vante même, c’est une preuve de ruse et de bonnes relations !

Dans le scandale de l’eau, ce sont bien les électeurs guadeloupéens qui ont élu leurs édiles à qui ils ont confié la nomination des responsables de la gestion de l’eau qui ont mis le système en faillite. Ce sont bien les électeurs guadeloupéens qui ont créé cette situation et qui détiennent les clefs du changement… C’est même le principe de la démocratie, et la raison d’être du droit de vote.

Contrairement au discours à œillères de certains2, ça n’est pas « l’État colonial » qui porte la responsabilité des décisions des électeurs guadeloupéens. Si l’État à failli, c’est de fermer les yeux trop longtemps sur ces pratiques. Mais les Guadeloupéens n’aiment pas non plus que « la justice coloniale » condamne leurs élus…

 

Le malaise de la jeunesse…

Le malaise évoqué par certain et lui aussi palpable. Près de la moitié d’entre eux s’en va faire leurs études ailleurs, et beaucoup ne reviennent pas. Une fois qu’ils se sont fait un cercle d’amis là-bas, ils ont moins envie de venir affronter les difficultés de l’emploi en Guadeloupe.

Il est certain que l’insularité est une particularité souvent handicapante. Les perspectives d’évolutions sont limitées, la Guadeloupe faible exportatrice et grande importatrice ne produit qu’une partie de sa consommation. Certains métiers n’existent pas ou si peu qu’ils restent précaires. Beaucoup d’entreprises sont dépendantes de marchés publics, ou au mieux d’un marché réduit et fermé…

En conséquence, les postes sont rares, donc chers, et comme partout, il est bon d’avoir des appuis, pour chaque poste qui s’ouvre il y a des dizaines de candidats, et certains ont des appuis sérieux. Celui qui n’en a pas n’a aucune chance, quels que soient ses atouts par ailleurs.

Pire l’institution des 40 % (sursalaires des fonctionnaires) a totalement faussé la donne. En Guadeloupe tu es fonctionnaire, tu gagnes bien ta vie, tu as la sécurité de l’emploi et les horaires réduits. Si tu travailles dans le privé, tu es payé au lance-pierre pour un emploi souvent précaire, qui dépend de l’humeur du patron. Pas étonnant que dans un tel contexte, l’« ambition » d’un jeune, c’est d’être fonctionnaire, pas de contribuer au développement économique de son pays. Mais là aussi les postes sont chers et le mérite d’un candidat ne pèse pas lourd3. Le résultat est une administration pléthorique, où les compétences ne sont jamais prises en compte et où tout le monde doit quelque chose à quelqu’un.

La création d’entreprise n’est pas non plus le recours qu’elle pourrait être. Ça peut marcher pour une entreprise grand public, comme les restaurant, mais si une entreprise marche bien et qu’elle est sur un marché spécifique, il est fréquent qu’un concurrent s’installe avec des appuis plus solides et coule celui qui a créé l’activité soit grâce à ses relations soit avec des pots-de-vin.

Ce système hyper clientéliste laisse peu de place à une jeunesse qui n’a pas de réseau familial. C’est à la fois un plafonnement de la compétence et donc de la qualité des services et surtout une machine à créer des exclus.

Le problème est que le gouvernement appelé à la rescousse à peu de moyens d’intervention dans ce domaine, à part peut-être un peu plus de vigilance dans l’embauche dans la fonction publique nationale… Le malaise est bien local ! Cette mainmise sur l’embauche est un élément de pouvoir des élus locaux… Ils n’ont aucune envie que les choses s’améliorent…

Une autre voie de progrès pourrait être le développement de secteurs d’activités faciles à exporter (comme l’informatique, les huiles essentielles…) ou de développer les pôles touristiques. Mais là encore les politiques qui devraient être les moteurs de ce genre de projets, sont pour la plupart issus de la fonction publique et n’ont jamais créé un emploi productif ou pris un risque entrepreneurial de leur vie…

Les idées passent parfois germent… rien ne se fait.

La commune où j’habite est tout à fait représentative de cette situation. Il y a 7 500 habitants et plus de 300 employés municipaux (pour une moyenne de 100 pour 10000 habitants en métropole…) et on continue d’embaucher4. Beaucoup ne travaillent que quelques heures par semaine5, et la commune manque visiblement d’entretien. Le maire habite une autre commune ne vient parfois qu’une demi-journée par semaine. La commune dispose de nombreux atouts : ruralité, centre de plongée réputé, emplacement idéal pour le nautisme itinérant, possibilités de randonnées, nombreux couchages sous forme de gîtes, communications routières, etc. Le maire actuel s’est fait élire en 2014 et 2020 avec un projet de « Station Nautique » ; idée qu’il a piqué à un de ses adversaires en cours de campagne, et pour laquelle il a fait voter de nombreux budgets… aujourd’hui consommés en frais divers. À ce jour rien n’a été fait, et la ville végète toujours sans perspective pour ses jeunes.

Le potentiel est là. Mais la seule façon de le faire évoluer c’est d’arrêter d’élire des politiciens aussi incompétents que corrompus. Les clefs sont bien dans les mains des Antillais.

Et puis, constituer des entités économiques qui amèneront la Guadeloupe à une économie plus équilibrée… commence par ne pas saboter le tissu économique tous les 10 ans !


Une réalité syndicale spécifique…

Il y a plusieurs syndicats représentés en Guadeloupe, mais celui qui fait le plus parler de lui et est à l’origine des mouvements du LKP en 2009 ou des barrages d’aujourd’hui, c’est l’UGTG.

Ce syndicat se distingue de l’idée qu’on se fait d’un tel organe à bien des égards.

- D’abord parce qu’il est coutumier d’agissements violents6

- Ensuite parce que l’idéologie affichée est contradictoire. Ce syndicat affiche des opinions clairement indépendantistes, mais en même temps la plupart de ses revendications portent sur plus de subventions et de financement d’état, plus d’embauche d’état, plus d’intervention d’état sur des problématiques purement locales…

- Et puis parce que ces exigences de résultats auprès de l’état n’en font pas une force de proposition et jamais un élément constructif. En 2009, le LKP disait vouloir lutter contre la vie chère. Mais les causes réelles (et locales) de cette cherté n’ont jamais été abordées. Au bilan de ce mouvement une prime de 200 € provisoire, et bien vite avalée par la non-augmentation des salaires, et une liste de 100 produits – dits de première nécessité – aux prix encadrés provisoirement. Ironie qui en dit long : cette liste a été établie par les békés eux-mêmes ! Elle comprenait le Tilleul menthe…
Mais rien pour démanteler les monopoles. Et 12 ans après rien n’a changé

- Et encore, des intérêts défendus pour le moins ambigus. Comme en 2009 l’UGTG (qui rassemble essentiellement des fonctionnaires touchant les 40 % ) fait le pari de laisser pourrir la situation, avec de nombreuses exigences de pure forme avant, d’accepter de négocier. On est à l’évidence bien plus dans le rapport de force que dans la recherche de solutions. Malheureusement (mais logiquement), en 2009 l’état comptait aussi sur la lassitude des habitants et le pourrissement de la situation. L’île a été bloquée deux mois, mais le mouvement de grève en lui-même n’a duré que 44 jours… pour préserver le trimestre de retraite des fonctionnaires grévistes7. Mais dans un même temps, dans chaque île, près de 1000 entreprises ont fait faillite, et 10 000 salariés ont perdu leur emploi.

C’est une constante de ces mouvements sociaux menés par l’UGTG (mais c’était aussi le cas des gilets jaunes) : les victimes de ces mouvements sociaux sont toujours les Guadeloupéens, des salariés Guadeloupéens, des malades Guadeloupéens qui n’accèdent pas aux soins, des artisans Guadeloupéens… des Guadeloupéens qui souffrent… personne d’autre ! Qui peut croire que cette catastrophe économique provoquée délibérément sert à aider les Guadeloupéens à sortir du marasme ?

Interrogé, après le LKP, par la télé locale sur le sort des employés des centres commerciaux restés sans salaire plus de deux mois, Elie Domota, fonctionnaire protégé de Pôle emploi a répondu en balayant la question d’un revers de main «qu’on leur trouverait un emploi… »… en pleine crise !

Cependant si vous évoquez la responsabilité des Guadeloupéens dans leurs difficultés ou émettez le moindre doute sur le fait que L’UGTG représente les Guadeloupéens contre l’« État Colonial », vous serez immédiatement classé « kolonialist » et vos arguments ne seront pas écoutés.

- Enfin, les méthodes et des résultats restent discutables. Si le LKP était plutôt soutenu par la population Guadeloupéenne, qui en attendait une amélioration de ses conditions de vie, le mouvement d’aujourd’hui peine à fédérer. Il faut dire que le bilan de ces manifestations laisse perplexe :

- Aucune avancée significative sur le long terme… (la vie chère a disparu ? Les monopoles qui piègent l'économie locale ont-ils été modifiés depuis 2009 ? pourquoi ?).

- Effondrement du tissu économique, pourtant seul capable de sortir l’île du marasme.

- Chômage et faillites.

- Renforcement du déséquilibre public/privé (et donc renforcement du pouvoir de blocage des syndicats bien implantés dans la fonction publique).

- Atteintes aux droits de circuler des citoyens. Les pseudo-défenseurs de leur liberté n’ont aucune considération pour celle des autres… ici comme ailleurs.

- Morts médicaux (essentiellement des dialysés qui n’ont pas pu se rendre au centre, des malades qui n’ont pas reçu les soins à temps, ou des malades hospitaliers morts parce que l’anesthésiste ou le chirurgien n’a pas pu se déplacer)8.

- Une image durablement ternie pour le tourisme (spécialement cette année ou les exactions sont bien plus médiatisées qu’en 2009), mais aussi pour la Guadeloupe et les Guadeloupéens en général (le pillage de boutiques ciblées et le spectacles de types jouant aux durs en se cachant derrière des cagoules est souvent jugé sévèrement par les observateurs extérieurs).

- Fermetures des écoles (moins que pour le Covid à ce jour, mais fallait-il en rajouter?)

Sans compter les « dommages collatéraux »

- Vandalisme ciblé (bijouteries, téléphonie, banques…) nocturne.

- Incendie de maisons et de commerces

- Présence de manifestants cagoulés et en arme sur les « barrages »

- Rançonnage des touristes et du personnel soignant.

Toutes choses qui tiennent de la délinquance et pas du mouvement social. pour ces derniers points, les mouvements et les syndicats qui créent le désordre et les conditions de ces dérapages ne les revendiquent pas…Mais exigent après coup la libération des délinquants pris en flagrant délit.
(Je pense personnellement que si le gouvernement a choisi d’envoyer le GIGN et pas des brigades de CRS comme il est d’usage lors de simples mouvements sociaux, c’est que ses renseignements prévoyaient ces débordements, donc ceux-ci étaient planifiés).


Au delà de l’« obligation vaccinale » qui provoque des réactions hystériques ici et ailleurs, et sur lesquelles l’UGTG voudrait s’appuyer pour créer un deuxième LKP, les problèmes évoqués lors de ces mouvements sociaux sont réels.

Mais il est évident que d’autres intérêts utilisent ce malaise, et entretiennent une confusion dont résulte un curieux mélange de violence et d’inefficacité

En accusant systématiquement le « gouvernement colonial » (il est vrai coupable, au minimum, d’ignorance et de maladresse !) de tous les maux, ces mouvements violents contribuent fortement à cacher les causes profondes du malaise antillais, qui, sont le plus souvent locales et internes.



1    Dont la célèbre Lucette Michaux-Chevry, engoncé dans les scandales et les procès avant son décès.

2    Je pense bien sûr à l’exposé tendancieux de nombreux syndicalistes mais aussi par exemple, à la vidéo surprenante de Claudy Siar, présentateur de Radio parisien d’origine guadeloupéenne, qui pendant plusieurs minutes fustige à répétition « l’état colonialiste » pour des manquements… dans les tâches dues aux élus locaux. C’est bien sûr populaire de déresponsabiliser ainsi son auditoire et d’en faire des victimes.

3    J’ai participé personnellement (et avec succès) à deux processus nationaux de recrutement dans la fonction publique de Guadeloupe. J’ai même été présenté au personnel d’une de ces institutions comme leur futur manager. Mais les deux fois, au moment de l’embauche, un candidat appuyé par « en haut » a eu finalement le poste, sans participer à aucun processus de sélection.

4    Deux embauches encore prévues au conseil municipal de ce mois-ci...

5    C’est déjà beaucoup ! Sur les 500 employés embauchés par la communauté d’agglomération lors de sa création en 2014, 90 n’ont jamais mis les pieds à la communauté. Ils se contentaient de toucher un (gros) salaire.

6    On se souviens du tabassage du directeur d’un fast-food parce qu’il ne fermait pas lors d’un jour déclaré férié par l’UGTG, ou du vidage du carburant des camions de la raffinerie avec menace d’un briquet, d’employés forcés manu-militari de quitter leurs bureaux (et de grossir ainsi le nombre de grévistes!), etc...

7    Dans la fonction publique, à partir de 45 jours de grève, les fonctionnaires perdent un trimestre de cotisation retraite.

8    En 2009, j’étais en préfecture quand les premiers morts hospitaliers ont été signalés. Le lendemain une réunion de tous les syndicats concernés à été initiée par M.Ursulet (syndicat hospitalier) et l’emprise sur la raffinerie a été relâchée pour permettre (trop tard) l’approvisionnement des véhicules d’urgence. Ces données n’ont jamais été rendues publiques.


lundi 30 août 2021

Je veux qu’on m’explique…

 

 

On assiste aujourd’hui à un engouement et une forte promotion pour la voiture électrique. Si celle-ci donne bonne conscience à son propriétaire elle soulève pourtant techniquement un certain nombre de questions qui devraient rebuter les (vrais) écologistes !

Je passe sur la controverse1 existante sur l’impact écologique réel (production, extraction et importation de métaux rares, retraitement...) des grandes quantités de batteries nécessaires pour l’électrification du parc automobile. Il n’est évidemment pas négligeable mais ne constitue pas le principal handicap écologique de la voiture électrique !


Il est toujours surprenant d’entendre comment les partisans de ce type de véhicules feignent d’ignorer la source réelle d’énergie.

Dans nos pays où la part des énergies renouvelables (ou propres) est minoritaire et ne permet pas de satisfaire à la consommation de base des habitants, tout le surplus de consommation engendré par électrification du parc automobile, ne peut être produite que par les énergies "traditionnelles".

- En France métropolitaine, un conducteur de voiture électrique roule essentiellement au nucléaire

- En Guadeloupe (ou j’habite), il roule au fuel lourd…

Écolo ?

Mais surtout on ne prend jamais en compte la question du rendement…

Le rendement d’un moteur automobile est connu, et médiocre (42 % pour le diesel et 36 % essence) parfois un peu mieux sur les moteurs les plus modernes. Ce qui signifie que pour disposer d’1 kW aux roues, on est obligé d’en produire 2,5 fois plus (le surplus est dissipé, essentiellement sous forme de chaleur par le radiateur et dans les gaz d’échappement).


Celui d’une centrale électrique aussi : 30 % nucléaire (35 % EPR) et 35 à 40 % pour un groupe thermique2 (qui pollue au fuel lourd… ). Mais pour faire fonctionner votre véhicule il va falloir le transporter avec des pertes dues aux lignes (résistance électrique des câbles de transport) et aux multiples transformations (produit en 20 kV ou en 5 kV le courant est transformé en 64 kV ou 400kV puis à nouveau en 20 kV, 5 kV et 400V), et la distribution en triphasé/monophasé.
Si les transformateurs électriques sont munis d’ailettes de refroidissement c’est bien qu’ils dissipent de la chaleur (énergie perdue). Si, à sa charge nominale, le rendement d'un transformateur peut atteindre 99%, il peut descendre à 50% en cas de forte sous-charge. Or la charge d'un transformateur de distribution varie tout au long de la journée...

Chaque équipement entre la génératrice et la prise de recharge à un rendement propre, et les pertes se cumulent si bien qu'à la prise électrique de votre garage le rendement global de la production électrique est souvent inférieur à 20%

Et ça n'est pas fini ! Le convertisseur Courant Alternatif/Courant Continu nécessaire pour la recharge à un rendement entre 88 et 96%.
La batterie chargée ne restitue qu’une partie de l’électricité absorbée (rendement de 80 % au mieux pour des batteries neuves pouvant descendre à 50 % pour des batteries en fin de vie).

Et enfin le rendement du moteur électrique lui-même (90 % pour un synchrone, 75 à 80 % pour un asynchrone)…

En cumulant ces différentes pertes (en factorisant les différents rendements) on arrive à un rendement final inférieur à… 10 %. Autrement dit il faut produire au moins 10 kW d’énergie thermique dans une centrale électrique pour avoir 1 kW d’énergie mécanique aux roues d’un véhicule électrique…

À poids égal, une voiture électrique consomme donc 4 fois plus de carburant qu’un moteur thermique… Sauf qu’elle est souvent 1,5 fois plus lourde et demande donc plus d’énergie… pour les accélérations et les côtes…

Elle pollue donc potentiellement 5 à 6 fois plus…

Et ce avant même de parler de l’impact des batteries !

On peut pinailler sur les chiffres, même si la plupart sont facilement vérifiables… On pourrait aussi rajouter les coûts écologiques de la construction et de l'exploitation des installations (d'un côté comme de l'autre). Mais l’écart est bien d’un ordre de grandeur, pas "un peu plus" !

La voiture électrique est silencieuse, facile d'emploi, mais elle pollue beaucoup, est énergivore et n'est pas écologique...

Bien sûr cette pollution est « sortie » des villes pour être reportée au niveau des centrales, mais la planète en tire-t-elle avantage ?

Est-ce que 4 ou 5kW/h d'énergie nucléaire (relativement décarbonée), sont plus écologiques qu'1kw/Wh d'énergie pétrolière ?

Ça explique pourquoi certains gouvernements, obligés de répondre aux pressions politiques des écolos mais disposant d’ingénieurs multiplient les atermoiements sur le sujet…

Ou pourquoi certaines marques (comme Peugeot) sont restées très réticentes aux voitures électriques. Les ingénieurs étaient persuadés que le bon sens interviendrait.




L’écologie politique est monstrueuse d’incompétence et de d’aberrations.

Dans un post précédent je démontrais, chiffres à l’appui, que la fermeture des voies sur berges à Paris était la pire catastrophe écologique que Paris avait connue ces 50 dernières années et causait des milliers de morts.3

Dernièrement une autre mesure, elle aussi soutenu par les « écologistes » impose une vitesse de 30 km/h aux automobilistes parisiens. Si on peut attendre d’une telle mesure une baisse de la pollution sonore et peut-être une amélioration de la sécurité (peut-être pas vraiment significative par rapport à l’actuelle limite à 50 km/h… si elle était respectée), il est démontré qu’elle entraîne elle aussi une surpollution4. Et c’est facile à comprendre. Rajoutez-y comme à Grenoble où l’autophobie fait loi, de multiples chicanes et les véhicules sont en perpétuelle ré-accélération…


Il est certain qu’il nous faut repenser notre mode de transport, surtout en ville. Mais l’autophobie qui donne bonne conscience aux pseudo-écolos, n’est pas une solution, juste une posture stérile.


Le véhicule hybride

En mode autonome, le véhicule hybride (rechargeable) fonctionne comme une voiture électrique qui serait un peu moins lourde. Et pollue à peu près de la même façon.

Par contre en mode hybride, elle permet d’économiser un peu de carburant en récupérant une partie de l’énergie du freinage et en limitant la sollicitation du moteur thermique, et donc la surconsommation à l’accélération. Voilà pourquoi la plupart des constructeurs ont commencé à commercialiser leurs hybrides sans module de recharge (onéreux), jusqu’à ce que le politique s’en mêle…

Cette petite économie est réelle et déjà vraie pour ce qu’on désigne par « micro-hybridation », sensible sur des parcours urbain et négligeable sur un parcours autoroutier. Mais si le surcroît de puissance que fournit l’hybridation est utilisé par le constructeur (et le conducteur) pour augmenter les performances et la consommation d’énergie, alors le gain est nul, voir négatif !

 

 

1    https://www.greenly.earth/blog/empreinte-carbone-batterie
https://www.revolution-energetique.com/dossiers/lempreinte-ecologique-des-batteries-rumeurs-et-realites/

2    Un moteur thermique de centrale électrique peut atteindre un rendement de 50 % mais les chiffres ci-dessus sont ceux du groupe électrogène et prennent en compte le rendement de l’alternateur

3    https://philippedroger.blogspot.com/2020/10/

4    https://www.lepoint.fr/automobile/securite/30-km-h-en-ville-la-promesse-d-une-pollution-aggravee-26-08-2021-2440247_657.php