vendredi 17 août 2018

Ce qu'on peut toucher du doigt…








Je suppose que la plupart de ceux qui liront ces lignes ont durant leur enfance fait pousser des graines de haricot dans du coton ou fait sécher des gaines de tomate pour les planter dans du terreau.
Personnellement, au fil de mes déménagements j'ai toujours eu plaisir à créer de petits jardins vivriers de la sorte, pour la satisfaction un peu juvénile de faire pousser mes propres produits.

Récemment j'ai refait la même chose, avec les graines de tomates et… rien. Pas une pousse. Alors j'ai changé de sorte, acheté mes tomates ailleurs… pareil. Puis j'ai fini par trouver des petites tomates bien rouge dont les graines ont donné de magnifique plans, et beaucoup de fleurs… qui cassaient et fanaient sans jamais donner un fruit… La plupart des fruits achetés dans les chaines de distributions sont stériles. Ainsi tout nouveau producteur n'a d'autre choix que de se fournir en graines dans le magasin du coin et donc indirectement… chez Monsanto.

J'entends déjà les partisans de la tranquillité d'esprit me dire que les graines ne coûtent pas très cher et que le citadin moyen, qui n'a même pas un balcon pour planter des géraniums, n'a pas grand-chose à faire des problèmes existentiels d'un planteur de tomate amateur.

Pas faux. Mais cette politique qui condamne l'humanité à une dépendance commerciale à un industriel et lui permet d'avoir la mainmise sur cette donne vitale qu'est notre alimentation (d'accord jusque-là ça ressemble à de l'anticapitalisme primaire !) à une autre conséquence. Alliée aux lois absurdes (et très orientées) de certains pays, comme la France qui interdit la commercialisation d'autres espèces, elle conduit à une mono culture et la fin de la diversité biologique et des espèces capables de s'auto-reproduire. Et de fait fragilise notre alimentation.

Supposons un instant qu'arrive (comme cela s'est souvent produit dans l'histoire de notre nature) une maladie qui touche spécifiquement une sorte de fruit… et par hasard celle que commercialise le monopole… et c'est la disparition de l'espèce. Pas sûr que nos petits-enfants sachent ce qu'était une tomate…

Scénario catastrophe d'un théoricien du complot un peu barré ? J'aurais dû vous le dire. J'habite la Guadeloupe. Milieu insulaire propice à toutes sortes d'expérimentations. Depuis quelques années, une mystérieuse maladie ravage les agrumes et spécialement les citronniers. Les espèces locales, pleines de pépins mais délicieusement parfumées, poussaient facilement et se contentaient d'un sol pauvre. J'en avais plusieurs dans mon jardin.
Aujourd'hui, nous sommes condamnés à acheter des citrons importés du Honduras ou d'ailleurs, produit par le monopole, sans jus, sans goût et surtout… sans pépins et stériles.

Le punch traditionnel à un sacré coup dans l'aile, mais quand une autre maladie affectera l'Amérique du sud et ses citronniers... il aura vécu ! Ça n'est pas un détail, c'est un exemple. Ça existe aujourd'hui, c'est en cours, doit-on fermer les yeux ?

La monoculture fait courir à l'humanité un autre risque déjà facile à constater. Ceux d'entre vous qui récitaient leurs prières demandaient à Dieu de leur assurer leur pain quotidien. Ce pain qui pendant des siècles (jusqu'à l'arrivée de la pomme de terre fin XVIIIème) a été la base de l'alimentation d'une grande partie de l'humanité… sans qu'on se soucie d'intolérance au gluten ! Mais ce pain là était fait à partir de farine bise, mélangée par la nature à d'autres céréales et avec une partie du son. Depuis le productivisme (encore un vocabulaire anticapitaliste primaire !) a remplacé toutes ces cultures par une espèce de blé aux grains nombreux, riches en farine blanche, à l'enveloppe fine… et saturé en gluten. Il permet la production abondante de la farine bien blanche qu'on trouve dans nos viennoiseries, le pain du Mac-do et nos baguettes. Sa richesse en gluten permet d'avoir des baguettes bien gonflée et bloque l'assimilation de certains aliments par l'intestin… causant carences alimentaires et maladies. C'est incurable. [1]
Qu'allons-nous faire de cette partie de l'humanité, de plus en plus nombreuse qui ne peut plus se nourrir des aliments communs ?

Tous ceux qui possèdent les clefs de l'économie mondiale travaillent à instaurer ce système monopolistique. Bill Gates, derrière sa fondation apparemment philanthropique n'aide pas les gens à développer leur propre agriculture (qui, quand elle n'est pas perturbée par l'économie mondiale, leur a permis de survivre pendant des millénaires) mais impose les produits Monsanto et la monoculture stérile partout où il passe.[2]

Mais me direz-vous, ces financiers qui programment ce genre de politique ne sont pas suicidaires. S'ils prennent de tels risques avec l'alimentation de l'humanité… c'est valable aussi pour eux !
C'est largement sous-estimer le besoin d'accaparement des richesses de ces gens et d'une certaine façon leur arrogance. Comme souvent, quand les hommes sont sous une telle emprise ils pensent qu'ils sont à l'abri.
N'a-t-on pas entendu le PDG de Nestlé, Peter Brabeck, déclarer récemment que "l'accès à l'eau ne devrait pas être un droit" ![3] Ces gens-là sont prêts à sacrifier une partie de l'humanité pour préserver leurs richesses et leur pouvoir.
Ils ne s'en cachent même plus. L'humanité est passive...

Vous pensez toujours que je suis un vieux Hippie qui délire ? Alors revenons aux faits.

Vous avez peut-être entendu parler du scandale du chlordécone qui affecte les Antilles Françaises… Ce pesticide particulièrement nocif et cancérigène employé ici pendant des années, par dérogation,  après qu'il ait été interdit dans le reste du monde. La plupart des nappes phréatiques de l'île, qui produisaient une eau douce et délicieuse, sont aujourd'hui polluées pour au moins un siècle. L'eau distribuée dans les réseaux, et même chez les producteurs d'eau embouteillée, doit être traitée au charbon actif, par des moyens dont la maintenance n'est pas accessible au particulier, et dont la fiabilité (j'ai travaillé dans le secteur !) est rarement absolue. Autrement dit, dans l'île dont le nom original de Karukera signifie "l'île aux belles eaux", j'achète à plus de 50 cts la bouteille de l'eau embouteillée importée… produite la plupart du temps par… le groupe Nestlé.

Pour la plupart de ceux qui liront ces lignes et qui n'habitent pas la Guadeloupe, c'est le glyphosate qui va parvenir au même résultat. Et il est important pour les groupes agroalimentaires que ce produit soit encore diffusé quelques années… pour fermer l'accès aux ressources naturelles et imposer le passage par eux pour les besoins incontournables. Ceux qu'on ne peut pas boycotter.
Ça n'est pas de la science-fiction, de la théorie du complot ou de l'alarmisme de salon… le processus est en cour et déjà opérationnel, déjà appliqué dans certaines régions du monde.

Non les grands financiers ne sont pas suicidaires. Ils sont conscients du risque. Et en même temps qu'ils privent le monde de sa richesse, ils capitalisent cette richesse à leur profit. Ils financent à grand frais, des réserves de semences comme celles de Svalbard en Norvège[4], supposée préserver la biodiversité. Outre qu'elle soit loin d'être une garantie absolue, cette réserve n'est pas destinée à l'humanité. Vous croyez sincèrement que quand vous n'aurez plus de graine de tomates vous n'aurez qu'à en commander par Internet ? Cette réserve est à l'usage exclusif des sociétés marchandes qui monopolisent cette richesse. C'est une façon de centraliser la biodiversité hors de portée de l'humanité "ordinaire"… Quand les graines répandues aujourd'hui auront disparu… on vous retrouvera celles-là… Monsento en fixera le prix, et vous n'aurez pas d'autre choix.


Alors vous croyez toujours que le combat de Dewaine Johnson n'est que l'affaire de ce petit jardinier ? que les millions après lesquels il court ne lui serviront pas à grand-chose et encore moins à vous ? qu'il perde ou gagne son appel n'a finalement pas d'importance ? ou alors comme le prétendent avec une mauvaise foi atterrante certains que c'est "une victoire pour les mauvaises herbes" ?
Vous pensez que Monsanto, et derrière lui le groupe (au passé Nazi) Bayer n'emploiera pas tous les moyens pour ne pas laisser s'instaurer une jurisprudence au niveau mondial ? et que finalement cela ne vous concerne pas ?

Laissez une chance de survie à vous enfants. Manifestez-vous.