vendredi 12 janvier 2018

Limitation à 80 : Coup de com ?




Devant les réactions épidermiques qu'elle suscite, cette mesure annoncée par le gouvernement vaut au moins la peine qu'on se penche sur ses fondements. Avec un regard "politique".

Il y a une chose que personne ne conteste, c'est qu'un accident à 80km/h est potentiellement moins dangereux qu'à 90km/h. Et que la probabilité d'éviter un accident – à réflexes et capacités de la voiture équivalents – augmente quand la vitesse baisse.

Est-ce que cela suffit à justifier la mesure ? Les chiffres nous parlent et il convient de tenir compte de leur enseignement avant de conclure.

1) Une curiosité française est que les radars fixes – prévisibles et donc facilement déjouables – ont eu, contre toute attente, un effet bien plus sensible sur la courbe de mortalité sur les routes, que les campagnes de radars mobiles, a priori plus hasardeux et donc plus risqués pour les conducteurs en infraction. La différence s'explique facilement par le fait que les radars fixes ont été installés dans des endroits accidentogènes. Alors que personne n'a jamais vu un radar mobile utile à la sécurité. Ils sont toujours placés dans des endroits piégeux (longue ligne droite très sûre, rampe de décélération anticipée) qui permettent d'optimiser les rentrées d'argent sans contribuer à la sécurité. Ils sont donc perçus pour ce qu'ils sont, des outils du fisc… peu efficaces pour le contrôle de la vitesse et pour la sécurité. Tant que cette politique de "pièges" perdurera, la crédibilité de toute limitation de vitesse restera très limitée. Une annonce du premier ministre comme : "nous allons changer complétement la politique de répression de façon à la mettre au service de la sécurité, et une fois les effets constatés nous envisagerons un aménagement des limitations de vitesse" aurait eu plus de pertinence.

2) Autre constat chiffré. Le nombre d'accidents mortels augmente ! Mais les limitations de vitesse, n'ont pas bougé depuis des décennies… Cette augmentation ne peut donc être due à la vitesse et à l'évidence d'autres facteurs devraient être pris en considération en priorité ! Ce qui a augmenté ces dernières années ce sont bien sûr, les téléphones portables et leur usage irraisonné, mais aussi la conduite sous l'emprise de substances stupéfiantes, d'alcool ou les dérives comportementales… Ça fait 40 ans que je conduis, je suis passé devant des milliers de radars, et j'ai soufflé une fois dans un ballon. Pas sûr que les efforts faits dans ces domaines soient proportionnels à leur dangerosité ! Et je ne parle pas des centaines d'écarts ou de coup de freins donnés à cause de conducteurs absorbés dans leurs communications téléphoniques ! Annoncer de nouvelles limitations de vitesse (réprimées d'une façon aussi discutables) et finalement peu de mesures sur les causes essentielles d'accidents, laisse planer un grand doute sur les réelles préoccupations des législateurs.

3) Dernière donnée à laquelle il convient de réfléchir. Si ce fameux raisonnement qui veut qu'en roulant à 80km/h on courre moins de risque qu'à 90km/h est vrai… il est aussi vrai de 80 à 70km/h… et de 70 à 60km/h. Quelle est la raison pour laquelle on voudrait ne pas accepter les morts dus à la vitesse au-delà de 8Okm/h et accepter ceux dus à la vitesse au-delà de 70hm/h ?
Il faut être cohérent et un choc à 50km/h peut tuer sans lésion apparente par la décélération du cerveau dans la boîte crânienne (rappelez-vous l'accident de Michaël Schumacher… qui portait un casque !). Un piéton peut être tué par une voiture roulant à 10km/h… Autrement dit si le raisonnement fait autorité, sa seule application logique est de supprimer tout déplacement.
Sinon il nous faut prendre le problème dans l'autre  sens. Accepter que se déplacer comporte des risques. Décider d'un seuil de risque supportable, et faire en sorte de sécuriser au maximum, la circulation en deçà de ce seuil… Mais baisser ce seuil pour compenser son inefficacité par ailleurs est absurde… et pas très honnête…

Bref la réduction de la vitesse maximale légale ? pourquoi pas, mais si elle s'inscrit dans une vraie politique de sécurité routière, logique, de bon sens, et cohérente… On en est loin !