mercredi 29 mars 2017

Et si on s'informait avant de voter ?




Rarement des élections présidentielles ont donné lieu à un tel scénario et l'impopularité et le manque de crédibilité des quatre candidats issus de gouvernements précédents peut inciter certains à se tourner vers le Front National… Pertinent ?

Contrairement à ce que la démocratie suppose, le vote est un acte essentiellement émotionnel donc manipulable. Comme je le décrivais dans mon livre "2017, l'illusion démocratique", et comme le confirment l'élection d'un Trump aux Etats-Unis ou le résultat du référendum sur le Brexit, intervenus après l'écriture de ce livre, la majorité de ceux qui déposent un bulletin dans l'urne ne connaissent pas ou n'ont pas pris la peine de mesurer le réalisme ou les conséquences pratiques de leur vote. Ils ne connaissent au mieux qu'approximativement les grandes lignes du programme de leur candidat et s'accommodent même d'une absence de programme comme en témoigne les deux exemples ci-dessus mais aussi le succès d'Emmanuel Macron… bien avant qu'il n'ait un programme !

Et pour ce qui est du FN, ses électeurs potentiels évoquent deux idées fortes :

Economiquement il prône, le protectionnisme, le repli sur soi et le rejet de l'Europe… Cette perspective est jugée irréaliste et dangereuse par la plupart des économistes crédibles. Le Front National objecte que ces économistes sont issus du système qu'ils contribuent d'une certaine façon à faire survivre…
Pour un électeur qui n'est pas économiste, il est possible de consulter les livres d'histoire. Et là le résultat est sans appel. Tous les états qui ont procédé à un repli sur eux-mêmes se sont effondrés économiquement, à commencer par la grande URSS, aussi puissante était-elle. Seul, contre le reste du monde... la concurrence n'est jamais égale, surtout quand – comme la France – on est dépendante de l'extérieur pour ses ressources de base (minières par exemple). A contrario, les états les plus prospères, le sont grâce à leur ouverture vers l'extérieur… même abusive voir impérialiste comme les Etats-Unis. La Chine elle-même a été obligée de s'ouvrir pour assurer sa croissance, même avec des garde-fous
Quant à l'Europe, la plupart des observateurs s'accordent pour lui reconnaitre des défauts et il parait nécessaire de la faire évoluer vers une Europe plus citoyenne et moins technocratique. Mais souligner ses défauts ne valide pas la possibilité de s'en passer.

La deuxième idée forte est la xénophobie, et la calamité que représenterait l'afflux d'étrangers chez nous. Et là, les chiffres contredisent complétement les affirmations du FN (voire mon post du 3 mars dernier : "l'immigration pour les nuls"). Non seulement l'afflux reste modéré, mais les pays recevant le plus de réfugiés sont clairement ceux qui ont une plus forte croissance et le plus bas taux de chômage… Le FN tend à créer une peur de l'étranger pour justifier ses positions et une certaine population croit naïvement à ces mensonges... Il est d'ailleurs remarquable de constater qu'avec cette argumentation le FN fait ses meilleurs scores dans des zones reculées qui n'ont jamais vu un immigré !

Et puis ces mêmes électeurs partagent avec d'autres une lassitude des partis en place, jugés incompétents et corrompus. Mais alors pourquoi vouloir mettre au pouvoir le parti le plus englué dans des malversations en tout genre ?

Qu'est-ce qui fait croire aux électeurs  du FN que ses dirigeants sans expérience vont réussir avec des théories économiques qui ont toujours échoué ?
Pourquoi ces électeurs de Marine Le Pen préfèrent croire le discours aberrant du FN sur l'immigration plutôt que de s'informer sur la réalité des chiffres ?
Qu'est-ce qui peut leur faire imaginer que ce parti qui a toujours vécu de magouilles, va – une fois au pouvoir – devenir le Monsieur propre de la classe politique ?

La réponse tient peut-être dans cet article de l'Express

"Moins on est  instruit, plus on vote FN"

http://www.lexpress.fr/actualite/politique/moins-on-est-eduque-plus-on-vote-fn_1100733.html

lundi 27 mars 2017

Manipulations ?




Depuis des semaines François Fillon, crie à la manipulation… Vraisemblable ?
En tous cas, ça coïncide avec le sujet de mon livre et ça mérite réflexion.

Il ne s'agit pas de prendre parti. Je ne voterai pas Fillon. Et ma décision était prise avant les "affaires". 
Et il est bon de voir enfin la justice s'interroger sur les aberrations de notre système politique, ou des rentiers qui n'ont jamais travaillé et jamais créé un emploi vivent au mieux de privilèges qu'ils se votent eux-mêmes ! Le vrai scandale du Penelope-gate,  c'est que l'état distribue à nos élus des montants non négligeables d'argent public, sans qu'ils n'aient aucun compte à rendre !


Mais mêmes si les effets de cette action en justice nous semblent positifs, faut-il accepter de ne pas s'interroger sur certaines bizarreries  et accepter de ne pas prendre conscience d'une éventuelle manipulation ?
Sans prendre en compte les hypothèses plus ou moins fumeuses du candidat attaqué, on peut constater certaines curiosités.

1) Les délais dans lesquels cette affaire a été traitée sont tout à fait exceptionnels. Tous ceux qui ont eu affaire à la justice savent  qu'il faut des mois, voire des années pour qu'elle daigne prendre en compte (et le plus souvent renvoyer à plus tard…) votre dossier. D'ailleurs tous les observateurs pensaient que F. Fillon ne s'engageait pas beaucoup en promettant de démissionner en cas de mise en examen… jamais une affaire n'avait été traitée dans des délais aussi brefs !
2) La date  de la prise en charge  judiciaire. Les données qui ont déclenché le Penelope-gate à l'origine de la curée, sont quasi publiques et facilement vérifiables par la presse et la justice depuis 15 ans ! L'affaire tombant deux mois avant (avant les primaires) ou deux mois après (après les élections) avait une toute autre incidence.
3) L'exception. Si on en croit les journalistes 20% des députés auraient "embauché" des membres de leurs familles. Pourquoi pas d'enquête sur eux ? Il n'y a que Fillon et maintenant Le Roux qui soient légers ? Et le 80 autres %, ne leur arrive-t-il pas d'embaucher le beau-fils d'un grand patron en échange d'un beau poste pour leur progéniture ?

Ça fait beaucoup de coïncidences et d'exceptions. Faîtes le calcul, moins d'une chance sur 1000 de voir son affaire aboutir aussi vite. Moins d'une chance sur 100 (2 mois sur 15 ans) que son affaire tombe exactement entre la primaire et les présidentielles, et une chance sur 120 d'être le député qui embauche sa famille et qui soit visé par une enquête… ça fait moins d'une chance sur 10 millions... Ou il n'a vraiment pas de chance, ou…

4) Reste la légalité. Les pratiques mises en évidence chez François Fillon sont pour le moins amorales et illustrent un monde politique plus préoccupé de se servir que de servir. Mais elles sont légales ! Aujourd'hui s'accumulent des suspicions de production de faux, mais sur le fond du problème. il y a de fortes chances que cela aboutisse sur un non-lieu. Tout ce remue-ménage n'aura été finalement qu'un épiphénomène judiciaire… mais aura fondamentalement modifié le jeu démocratique.

Une affaire connues de tous depuis des lustres, qui tombe très opportunément en période électorale, qui fait un scandale très relayé dans les médias, qui change une élection et qui finalement se termine par un non-lieu… ça ne vous rappelle rien ?

En 2011, cette même justice (complétement objective !) avait dans les cartons l'affaire du Carlton de Lille concernant DSK. Les mœurs du personnage étaient connues de longue date. L'affaire était préparée pour sortir entre les deux tours et aurait eu exactement sur DSK et sur le PS le même résultat que le Penelope-Gate sur Fillon et le LR, et devait permettre à N. Sarkozy d'être élu à coup sûr.
C'est ce qui serait arrivé si l'affaire Sofitel n'était pas venue s'interposer et casser l'effet escompté de cette "opération" judiciaire qui finalement a profité à Hollande (pas aux français !). Autre affaire curieuse, elle aussi terminée par un non-lieu avec un procureur pourtant acharné, sorti de là la queue entre les pattes.

Les hauts-magistrats dont la carrière dépend des politiques, seraient-ils prêts à fausser le jeu démocratique ?

Je ne suis pas trop contrarié parce que je n'avais pas l'intention de voter pour quelqu'un dont le costard vaut plus cher que ma bagnole (mais le mènera moins loin).
Mais quitte à se faire manipuler, autant en avoir conscience !







vendredi 3 mars 2017

L'immigration… pour les nuls.




Que ce soit aux États-Unis, en Angleterre récemment ou chez nous bientôt, l'immigration est au cœur du débat électoral. Elle fait l'objet de nombreuses affirmations, théories et non-dits.
Elle provoque aussi de fortes réactions affectives… Curieusement, les arguments anti-immigrants pèsent particulièrement lourd dans des zones qui n'ont jamais vu un immigré…

Qu'en est-il vraiment ?

Personnellement, je serais enclin à penser que quand il s'agit d'êtres humains, il serait plus sage de raisonner avec… humanité. Mais ça n'est pas une raison pour voter idiot ou accepter de me faire manipuler… question de fierté !

Je suis allé chercher les données du tableau qui précède - accessibles à tout le monde - chez Eurostat. Et j'ai voulu vérifier les affirmations courantes au sujet des immigrés.

1) Première affirmation : les immigrés prennent le travail des locaux… donc aggraveraient le chômage. La réalité est tout autre. Non seulement les chiffres ne confirment pas cette allégation, mais ils la contredisent clairement. Si on excepte les cas particuliers de la République Tchèque et de Chypre, les forts taux de chômage se retrouvent dans les pays qui accueillent le moins d'immigrants comparativement à leur population, et inversement.

2) Les chiffres de la croissance sont eux aussi éloquents : les trois pays qui accueillent le plus d'immigrants, sont clairement ceux qui ont le plus fort taux de croissance ! On peut bien sûr objecter que les trois premiers doivent leur croissance exceptionnelle à une fiscalité particulière. Mais sur l'ensemble des pays européens, l'allégation selon laquelle immigration serait un frein à la croissance n'est pas validée par les chiffres.

3) D'autres affirmations souvent débattues concernent les rapports entre l'immigration et la délinquance. Premier constat : il est très difficile d'avoir des statistiques fiables ou significatives. D'un côté il y a les travaux de L. Mucchielli ou le récent documentaire de J.P. Lepers qui tendent à prouver que l'immigration n'est pas facteur de délinquance (mais est surtout génératrice de préjugés !). De l'autre il y a ceux de la démographe Michèle Tribalat et  du sociologue Sebastian Roché  qui semblent valider une surdélinquance dans les populations immigrées tout en déplorant le manque de statistiques pertinentes.   
La difficulté est de mettre dans la même catégorie, le proxénète maffieux qui circule plus ou moins librement, et le réfugié de guerre errant qui chipe des aliments. Les statistiques de villes de banlieue dans laquelle les habitants d'origines étrangères sont concentrés, mais aussi les classes sociales défavorisées, et la délinquance en col blanc, pour laquelle le taux d'élucidation particulièrement faible fausse les statistiques, mais reste a priori bien franchouillarde (Le Pen, Sarkozy, Cahuzac, Balkany…)

Une chose est certaine. Le taux de criminalité est nettement plus faible chez les réfugiés pris en charge par le pays receveur, que dans la jungle de Calais ou tout autre lieu d'agglutination sauvage et sans structure…
Et aussi, les réfugiés espèrent une vie meilleure… ils ne cherchent pas une mise au ban de leur société d'accueil. 63% des immigrés ont le bac ou l'équivalent.

Les réponses existent ! Encore faut-il des donner la peine d'aller les chercher. 
Et les chiffres sont de ce point de vue plus crédibles que les politicien(ne)s qui instrumentalisent le phénomène
Et si le choix rationnel et patriotique était d'accueillir ce facteur de développement de notre pays ?

Et puis il y a tous ceux qui prônent l'argument identitaire. L'identité est fait de notre passé et donc, nous définissons aujourd'hui, par nos actes, notre identité future. Je ne suis pas certain que nos descendants seront fiers de notre génération de biens portants qui auront laissé crever à leur porte un million de réfugiés qui fuyaient des guerres dans lesquelles nos pays étaient impliqués économiquement.



mercredi 1 mars 2017

Le piège la colonisation.



Emmanuel Macron vient à son tour de buter sur la colonisation. Sujet sensible s'il en est.  D'autres en leurs temps avaient déclenché quelques vives réactions en parlant des "bienfaits de la colonisation"…



Avant d'entamer une quelconque polémique sur un terme il convient de faire un peu de sémantique. Et de ce point de vue l'Académie Française comme le Larousse soulignent que l'usage que nous faisons de ce mot est impropre. En effet, le terme de colonisation devrait être réservé à la conquête d'un terrain vierge. Dans le cas où le pays conquis est déjà occupé par une population où une civilisation, il faut alors parler d'invasion… terme nettement moins  facile à positiver…



Dans son acception habituelle, la colonisation implique toujours soumission et écrasement. C'était d'ailleurs une définition utilisée en biologie pour expliquer la disparition d'une espèce suite à la prolifération d'une autre. Mais non seulement la colonisation suppose la disparition totale ou partielle, d'un système, social, culturel ou économique au profit d'un autre (pas forcément adapté), mais elle est imposée aux colonisés. Et de plus elle s'accompagne toujours d'une exploitation des richesses du pays colonisé au profit du colonisateur. Si cela s'accompagne de transferts technologiques ou d'éléments de confort, peut-on parler de "bienfaits de la colonisation" ?



Un exemple me vient à l'esprit. Savez-vous qu'on trouve toujours des toilettes de libre au Pentagone ? En fait le bâtiment a été construit dans une période où la ségrégation était très forte, et les bâtisseurs ont donc doublé le nombre de lieus d'aisance pour pouvoir séparer les toilettes des noirs et celles des blancs… La mesure n'a jamais été appliquée, mais il en résulte des sanitaires en surnombre et le confort qui va avec. Peut-on parler d'un bienfait de la ségrégation ? Et est-ce que cela peut faire passer la ségrégation pour quelque chose de positif ?

Pas plus il me semble qu'on ne peut parler des bienfaits de la guerre en considérant les actes héroïques qui peuvent s'y dérouler.



La colonisation, comme la ségrégation ou le génocide (qui peuvent aussi être partiels…), la guerre ou l'esclavage sont des termes intrinsèquement négatifs. Et dont les effets primaires sont catastrophiques pour l'humanité.



Ce qui ne veut bien sûr pas dire que toutes les personnes impliquées étaient des gens mauvais ou criminels. Certains colons avaient des ambitions sincères pour les colonies, des découvreurs avaient des projets humanistes. Beaucoup de pieds-noirs avaient un attachement sincère à l'Algérie, leur pays. De nombreux harkis, pensaient tout aussi sincèrement défendre l'intérêt de leur pays.

Mais cette cohabitation entre les peuples s'est presque toujours terminée en catastrophe du fait même du principe de colonisation.



La médecine, citée parfois comme exemple d'apport aux pays colonisés, est tout à fait représentative de cette méprise.

Bien sûr, elle est utile aux populations colonisées, mais elle n'avais pas besoin de la colonisation pour être offerte. Remarquons, que nous bénéficions de l'acupuncture chinoise, sans que les chinois ne nous aient colonisés.  Que ces échanges culturels ou scientifiques soient associées à la colonisation ne les sert pas. Les Chinois, plus ouverts à ce qui vient de l'extérieur, ont adopté certains aspects de notre médecine moderne sans renoncer à la leur et profitent ainsi mieux de  cet échange que nous, qui ne raisonnons qu'en rapport de supériorité.

La colonisation a imposé notre vue de la médecine moderne au monde colonisé, niant et interdisant les pratiques ancestrales. Et de ce fait, en plus d'avoir importé des maladies que ces populations ne connaissaient pas, nous avons perdu les techniques de guérison qui soulageaient. Progressivement, mais avec tout le retard que notre démarche colonialiste à introduit, nous redécouvrons les vertus de l'hypnose (transe ?), les richesses ahurissantes de la pharmacopée tropicale qui repose sur 200 fois plus de plantes que notre flore de pays tempérés. Certains médecins admettent le pouvoir de guérisseurs (j'ai moi-même vu des oncologues conseiller à leurs patients de trouver un "coupeur de feu" pour les soulager des effets douloureux des rayons…). 


La démarche colonialiste n'est pas curieuse, elle est suffisante par nature.


Pire, avec  notre médecine "moderne", nous avons imposé partout ses tares liées à notre système commercial. A la suite de nombreux scandales, on découvre la mainmise des laboratoires sur notre médecine, les prescriptions et les soins que nous recevons. Nous maintenir en mauvaise santé rapporte plus à certains industriels que nous guérir. Et les ex-colonies, aujourd'hui dépendantes de cette industrie, subissent de plein fouet ces dérives sans profiter de tous ses avantages….

Pas question de nier les bienfaits de notre médecine, mais de noter que sans les effets pervers de la colonisation, cet apport aurait été bien plus profitable pour tous.



Les mots d'Emmanuel Macron étaient maladroits, dans la mesure où ils ne distinguent pas  le principe de colonisation – nocif - des personnes impliquées dans et colonisation dont le rôle et de les intentions pouvaient être honorables. Mais la colonisation en elle-même est une faute, une calamité dans l'histoire de l'humanité que les générations futures condamneront.