On a tendance à croire que les techniques de com qui
permettent de faire passer auprès du bon peuple des vessies pour des lanternes,
sont l'apanage d'appareils politiques étatiques puissants. C'est oublier un peu
vite que:
1) la manipulation est née avec la communication
2) certaines organisations syndicales ont un passé lié avec ces
organisations étatiques manipulatrices…
Le débat sur la remise en cause du statut des cheminots me
permet d'expliciter une arnaque courante en communication politique :
l'amalgame. C'est une technique qui consiste à présenter comme évidente l'association
de deux notions : l'une de bon sens et justifiée, l'autre bien plus discutable.
En l'occurrence, les syndicats, CGT en tête, associent : la
prise en compte de contraintes réelles du métier de cheminot avec la
(pseudo-)nécessité d'un statut spécial… Or, il y a évidemment d'autres façons
plus justes de prendre en compte ces contraintes… comme passer par le code du
travail par exemple.
Prendre en compte le travail de nuit des cheminots dans le
calcul de la retraite et de la rémunération, d'accord. Mais en quoi le travail
de nuit de ceux qui ne sont pas cheminots serait-il moins pénible ou moins
digne de considération ? En passant par la loi et le code du travail, on
introduit un traitement égalitaire de cette contrainte. En passant par un
statut spécial, et en particulier quand il s'agit de la fonction publique, ce
sont ceux qui parfois subissent des contraintes bien pires, mais ne bénéficient
pas de ce statut qui financent les avantages des statutaires… On accroit
considérablement les inégalités sociales.
Est-ce le rôle d'un syndicat ? Depuis des décennies la CGT notamment
prend pied dans les secteurs à fort pouvoir de blocage, RATP, SNCF, EdF… elle y
prend place en favorisant l'embauche de ses membres, puis profite de son
pouvoir de blocage pour développer les statuts spéciaux et les inégalités, non
sans, au passage, tirer parti financièrement elle-même de ses positions
(souvenez-vous du scandale du comité d'entreprise EdF, il y a quelques années).
Elle a ainsi crée plusieurs protectorats cultivant la
culture du privilège... mais financés par la classe productive de la société,
pourtant moins bien lotie.
De plus, au nom de ces quelques arguments réels et toujours
invoqués, on justifie de nombreux avantages non-dits (voyages gratuits pour la SNCF,
mais aussi 13ème,
14ème, voire 17ème mois dans les banques, CE très avantageux, possibilités de prêts à taux minimes, centrales d'achat, congés
supplémentaires, etc…) la liste est ahurissante ! Et beaucoup des avantages
acquis au nom de la pénibilité de certains postes, profitent indifféremment au
reste du personnel
Déjà en 1982 François de Closets – dans son livre
"Toujours plus"[1] - avait
montré à quel point ces régimes spéciaux généraient des inégalités et des aberrations.
Mais ces castes privilégiées créées par les statuts spéciaux sont le symbole de
la puissance passée de ces syndicats… et ceux-ci en font une question de
principe.
Mais ils sont aussi symboles de l'inégalité sociale, et des dénis de démocraties.
Pourtant quand vous entendez à la télévision le malheureux
cheminot qui vous explique qu'il ne passe pas toutes ses nuits dans son lit,
vous vous dites bien sûr il faut compenser financièrement…
On est d'accord, les conditions de pénibilités de certains
postes doivent être prises en compte. Mais cette prise en compte n'est une
avancée sociale que si tous les travailleurs soumis aux mêmes contraintes sont
concernés. Sinon elle ne conduit qu'à l'instauration de privilèges, et d'inégalités… ce que sont fondamentalement
les régimes spéciaux.
Autrement dit, contrairement à ce que l'amalgame suggère,
non seulement le statut spécial des cheminots, n'est pas une bonne réponse aux contraintes
réelles que posent certaines tâches, mais c'est même la pire. Et la CGT le sait
bien, mais elle n'aime pas avoir à l'admettre auprès de son club…
Ironie de l'histoire, et quelles que soient les motivations
des uns et des autres, c'est le "président des riches" qui défend
l'abolition des privilèges et l'égalité sociale face à l'aristocratie syndicale…
Encore faudra t'il que l'abandon de ce calamiteux système de castes
s'accompagne des aménagements nécessaires du droit commun…