mardi 23 avril 2019

Mémoire et Monument



Quand j’ai reçu ce message qui me disait que Notre Dame était en train de bruler, j’ai allumé la télévision… j’ai assisté en direct à l’effondrement de la flèche…
Devant ces images, j’étais comme beaucoup, impressionné, ému, et même triste.

Ce type de monument c’est un peu comme un élément du relief, une colline, on ne pense pas qu’il pourrait disparaitre un jour… Par sa majesté, sa célébrité, sa visibilité, il fait partie de notre histoire…

Dans les heures qui ont suivi, toutes les chaînes de télévision, monopolisaient leur antenne sur le sujet, mais avec pour toute informations pendant 5 heure : ça brule, on ne sait pas comment c’est parti, on ne sait pas combien de temps ça va durer, la flèche est tombée et le président va venir…
Pour meubler, chaque journaliste détaché sur le lieu interrogeait des passants, sur le coup de l’émotion… (celle du spectacle désolant ou celle de passer à la télévision ?)
Chacun de ces témoins, avait une « longue histoire personnelle » avec le monument, qui à en croire le défilé de lieux communs qu’on entendait se répéter… ne devait dater que de l’heure qui avait suivi l’embrasement.
L’émotion ! bouée de sauvetage du journaliste qui doit occuper le terrain mais aussi outil efficace, remarquablement bien exploité par les collecteurs de fonds, qui auraient déjà réussi à engranger un milliard d’euro… Tant mieux ! Dans quinze jours beaucoup trouveront « qu’ils payent déjà bien assez d’impôts comme ça ! et que c’est à l’état de se débrouiller ! ».

Mais quel est notre lien réel avec la cathédrale ?

Personnellement j’y suis rentré une fois quand j’habitais en région parisienne. Le bâtiment est impressionnant, (mais pas plus que la cathédrale d’Amiens, plus grande, que j’avais visité précédemment), mais ce qui m’avait dérangé c’est la cohabitation entre ce flot de touristes pas vraiment discrets qui envahissent les allées pendant que le centre est réservé à une célébration. Le seul passage de l’évangile qui me semblait évoqué par le lieu est celui sur les marchands du temple… Je m’étais dit que si je cherchais un lieu pour me recueillir ce serait certainement le dernier endroit !
Je préfère l’extérieur, à l’arrière, là ou une passerelle enjambe le bras de Seine qui sépare l’île Saint-Louis de l’île de la Citée. Il y a quelques arbres, on y a une belle vue sur les arcboutants du bâtiment… et il y a un glacier connu pas loin…

Mais que représente une cathédrale ? Pour les croyants, c’est un lieu de culte… comme n’importe quelle chapelle…. Pour tous c’est aussi une démonstration époustouflante des techniques de construction, et d’architecture maitrisées par ces bâtisseurs du moyen âge… et un témoin de l’Histoire… mais de quelle Histoire ?
Une cathédrale est d'abord le témoin de l’orgueil démesuré d’une religion avide de gloire et de pouvoir et de sa compromission avec le pouvoir terrestre… et qui dans un même temps prêchait pour ses ouailles le détachement des biens matériels ! Elle représente des fortunes englouties dans l’éclat et le paraitre alors que la majorité de la population souffrait de disettes.
Une cathédrale était à son époque ce que sont ces tours démentes que les gouvernants « riches » construisent aujourd’hui pour avoir la plus haute la plus spectaculaire avec des projets de plus en plus fous alors que leur population s’appauvrit et souffre…
Elle est l’illustration de l’éternelle histoire de celui qui veut avoir la plus grosse…

Je comprends le pouvoir de séduction de Notre-Dame de Paris. Je comprends ceux qui veulent la préserver et la reconstruire… Mais je me refuse à refaire l’histoire. Je ne veux pas être le précurseur de ceux qui dans quelques siècles admireront les énormes bâtisses en bétons que nous élevons aujourd’hui en oubliant qu’elles sont surtout des démonstrations d’orgueil et au-delà : pour quoi, pour qui et au dépend de qui elles ont été construites.