jeudi 26 septembre 2019

Le Grand Mensonge des statuts spéciaux



On peut penser du bien ou du mal de notre président, qui garde ses afficionados, tout en cristallisant certaines haines sur son nom. Pour ma part j’attendrai la fin de son mandat, et en particulier la fin de la réforme qui va se jouer cette année pour tirer un bilan.
Mais force est de reconnaitre que ce président fait face à une nécessité urgente de réformer notre structure sociale et à des aberrations multiples de cette structure créées par des gouvernements véreux, incompétents, ou faibles.

Le RSI
Le RSI était le premier symbole de ces dérives. Il n’avait pour fonction que de soustraire les cotisations de travailleurs non-salariés, de la solidarité nationale au profit d’organismes financiers. Pendant des années d’une existence à la légitimité douteuse, il a tenu lieu, avec des pratiques condamnables, de sécurité sociale, et provoqué de nombreuses faillites d’entreprises[1].
En tenant cette promesse de campagne E. Macron a pris une mesure favorable au développement de l’économie, allant vers plus de justice sociale, et au dépend de la finance… Personne ne conteste aujourd’hui le bienfondé de cette mesure.

Les caisses de retraites
Au fil du temps se sont créées des caisses de retraite pour permettre aux plus aisés ou à d’autres bénéficiant de financement d’état, de se soustraire à la solidarité nationale. D’autres ont été créés au profit de la grande finance (comme le RSI !) … Même causalité, même mesure, même résultat : que penser d’un organisme fortement contesté et contestable comme la Cipav, qui - aux dires de la Cour des Comptes – est en litige avec plus de la moitié de ses abonnés !
Dans la pratique, il est acceptable que des corporations particulières s’offre des caisses « complémentaires » de retraite. Mais il n’y a jamais eu aucune raison légitime pour qu’un catégorie sociale se soustraie à la solidarité nationale et donc au régime commun. Et même si les modes de calculs peuvent être adaptés aux types de revenus (salaires, honoraires, droits , etc…) chacun doit pouvoir cotiser à proportion de ses revenus, sur une durée égale pour tous (et si cette durée est adaptée pour cause de pénibilité du travail elle doit être adaptée de la même façon suivant les mêmes critères pour tous) . Et c’est bien là que trichent les statuts spéciaux.

Les statuts spéciaux.
On entend à profusion à travers les médias, les plaintes des bénéficiaires des régimes spéciaux qui, craignant de les voir disparaitre, nous expliquent que certains d’entre eux ont des conditions de travail pénibles (ce qui est souvent vrai), et qu’il est normal de prendre en compte cette pénibilité dans leur rémunération ou le calcul de leur retraite (ce qui est légitime). Et d’enchainer, comme s’il y avait une évidence, qu’il leur fallait donc un statut spécial. C’est là qu’il y a mensonge !
En prenant en compte la pénibilité du travail par des mesures générales du droit du travail, on fait en sorte que tous ceux qui sont exposés à un type de pénibilité donné (travail de nuit par exemple) bénéficient des mêmes droits. C’est juste et démocratique.
En passant par un statut spécial, la pénibilité reconnue à l’intérieur d’une corporation est prise en charge par le reste de la société (consommateurs, clients ou contribuables), y compris ceux qui ont des conditions de travail aussi, voire plus difficiles que les bénéficiaires de ce statut et qui ne bénéficient eux, d’aucun statut spécial… Cette différence de traitement constitue alors clairement une injustice et un privilège (défini par l’Académie Française comme un : Droit ou avantage octroyé par exception à la règle générale).
Dans le système des statuts spéciaux, les compensations sont des privilèges parce qu’elles ne sont plus proportionnelles à la pénibilité, mais au pouvoir de blocage de la corporation concernée et impliquent une prise en compte inégalitaire de cette pénibilité.
Ces statuts spéciaux ne sont non seulement jamais nécessaires pour prendre en compte la pénibilité du travail mais c’est surtout un très mauvais moyen, anti-démocratique et injuste, de le faire.

Outre cet aspect inégalitaire, les statuts spéciaux ont une autre facette, plus discrète, bien moins revendiquée, mais tout aussi peu reluisante. La séparation d’un groupe du droit commun, et donc du jugement général et des critères d’égalités entre les citoyens ouvrent la porte à tous les abus.
Souvenez vous du scandale de la gestion du CE d’EdF par la CGC par exemple[2].
Le statut spécial, permet en outre, en toute opacité, de généraliser les avantages obtenus à toute une corporation indépendamment du mérite ou de la pénibilité invoquée initialement. Savez-vous par exemple que les parents (ascendants ou descendants) d’un employé de bureau de la SNCF bénéficient de billets gratuits… ce qui se traduit par le fait qu’un type qui n’a jamais vu un train autrement que comme voyageur, mais qui se trouve être le grand père d’un employé de bureau qui ne sais pas à quoi ressemble son bureau après 16h30, bénéficie de billets gratuits payés par les impôts et les achats de billets de gens comme des infirmières qui ne bénéficient pas de ces privilèges et dont les horaires de travail, les contraintes, les responsabilités et les qualifications sont largement aussi considérables que celles d’un cheminot


Si les employés de la SNCF avaient un jour choisi de bloquer le pays pour que TOUS les gens connaissant la même pénibilité au travail qu’eux avaient pu bénéficier de compensations… ils auraient fait œuvre sociale, les syndicats auraient été dans leur rôle, et auraient obtenu le soutien du public (et il y aurait certainement plus de 8% de syndiqués en France !).
Mais au lieu de ça les syndicats ont profité du pouvoir de blocage de certaines corporations pour assoir leur pouvoir, et les membres de ces corporations ont engrangé des privilèges sans se soucier de la condition de ceux qui allaient devoir payer pour ça.
Mais de ce point de vue les statuts spéciaux du personnel de l’EdF, de la SNCF, de la RATP, sont des injustices sociales au même titre que les ceux des députés (par ailleurs condamnés par ces mêmes syndicats) ou ceux des employés de banques, tel que les dénonçait en 1984, François de Closets[3] dans un livre toujours d’actualité.

Force est de constater que les choses n’ont guère évolué. Toujours plus et moi d’abord ne constitue pas une devise humaniste et prometteuse…

Une chose est certaine, pour redevenir une démocratie digne de ce nom, la France a du travail. Et ce travail passe par l’abolition des privilèges à commencer par les statuts spéciaux.






[1] Voir le livre d’Eloïse Benhamou :  « Kleptocratie Français »e.  ISBN-13: 978-2369990468
Ou celui de Charles : « Le RSI ou la tour de Babel »…  ASIN: B00I42CRB6, édifiant !
[2] https://www.lepoint.fr/invites-du-point/jean-nouailhac/nouailhac-la-cgt-d-edf-lourdement-condamnee-21-10-2014-1874245_2428.php
[3] François de Closet : « Toujours plus » ISBN-13: 978-2253032861