Par son côté spontané et indépendant, le mouvement des gilets jaune aurait
pu être le départ d’une véritable évolution. Il est probablement le premier
soubresaut de la fin de la société sociale-libérale qui a échoué à créer un
monde désirable et humain. Il aurait pu être une vague mondiale…
Il s’enferre aujourd’hui dans ses contradictions… Même s’il
est important de prendre en compte le malaise social qui a déclenché le
mouvement l’année dernière. Il faut bien constater que hors de ce malaise vécu
de très diverses manières, chaque gilet jaune ne représente que lui-même, et il
n’a jamais été possible de dégager de ces mouvements une vision commune ni même
d’établir des représentants. Tous les chefaillons auto-proclamés se sont fait
rejeter par la majorité du mouvement, allant jusqu’à être menacés de mort. L’auto-proclamation
comme les menaces de morts sont des dénis de démocratie.
D’un côté, les gilets jaunes se plaignent des entraves mis à
leur liberté de manifester, revendiquée (à juste titre quand il s’agit de
manifester) comme un droit démocratique. Dans un même temps, ils font de la
démission d’Emmanuel Macron, un thème récurrent de leurs revendications.
On peut ne pas aimer notre président et même être en profond
désaccord avec lui sur de nombreux points. C’est lui qui a la légitimité
démocratique en tant que président élu. Ce qui n’est pas le cas des gilets
jaunes.
Emmanuel Macron est coupable d’avoir donné beaucoup d’espoirs,
celui d’un changement qu’on ne voit pas vraiment venir. Il est coupable
d’erreurs de communications ahurissantes pour quelqu’un qui a son intelligence
et sa formation. Il est coupable enfin de s’être laissé dépasser par les
attentes d’une population dont il est éloigné mais aussi par les pratiques d’un
monde financier avec lequel il croyait pouvoir composer (l’illusion du
ruissellement !).
Ceci étant la plupart des revendications des gilets jaunes
ont trait à des points dont il a hérité (si on excepte la modification de
l’ISF ou des allocations logements qui, si elles sont énervantes, ne sont pas
les causes de la situation actuelle).
Cette focalisation des gilets jaunes sur le président actuel
est non seulement absurde, peu constructive (une haine personnalisée ne peut
être un projet politique), mais surtout passablement hypocrite ! La
situation actuelle est essentiellement le résultat des actions des gouvernements
précédents élus par… les Français ! ceux qui sont dans la rue
aujourd’hui !
Notre système électif est certes discutable, mais l’usage
que font les électeurs de leurs bulletins de vote reste un élément déterminent
sur l’évolution de notre pays. Et c’est là aussi, une conception pour le moins
curieuse de la démocratie qui consiste à s’exonérer de toute responsabilité sur
les conséquences des bulletins qu’on a mis dans les urnes pendant des décennies,
et de prendre le dernier élu comme bouc-émissaire.
Autre aspect des gilets jaunes qui est en contradiction avec
un mouvement démocratique. Ce sont les violences et les destructions.
Et si certaines actions sont l’œuvre de casseurs plus ou
moins étrangers au mouvement, on a vu ces fameux blackblocs se faire applaudir
par les gilets jaunes. Cette violence est revendiquée par les gilets jaunes
et légitimé par la majorité de leurs meneurs (avec l'habituel : "ce que nous faisons… c’est de la
faute aux autres !"...). Au nom de quoi ? de la liberté démocratique
de manifester ?
Soyons clairs : cette violence n’est pas dirigée contre
le gouvernement. Ni le président, ni ses ministres ne verront leurs trains de
vie amputés d’un centime du fait de ces saccages. Les victimes sont des
commerçants, leurs employés, de simples citoyens, et nous tous, qui allons
devoir rembourser par le biais de nos impôts, de notre endettement et des
primes d’assurance, l’ensemble des destructions et le manque à gagner
commercial. C’est nous qui devons payer, par ces mêmes biais, la mobilisation
des forces de l’ordre rendue nécessaire par l’insécurité créée par les gilets
jaunes.
Le coût faramineux de ces dégradations et de ces violences
est imputé en totalité au peuple français, pas au gouvernement !
Les blocages de ronds-points semblent disparaitre. Non
seulement l’atteinte au droit de circulation des citoyens n’a rien de
démocratique (et n’est pas compris dans le droit de manifester !), mais le filtre
appliqué dans ces circonstances, qui consistait à exiger de la part des
citoyens circulant une forme d’adhésion à leurs idées (pourtant bien floues) sous
forme de gilet ou de klaxon fait partie de pratiques fascistes ("adhérez à nos
idées où nous portons atteintes à vos droits fondamentaux").
Et là encore, ni Macron, ni aucun membre du
gouvernement n’a été immobilisé une seule minute. Là encore les victimes des
gilets jaunes sont la population française… par ailleurs aussi victime des
anomalies que les gilets jaunes prétendent dénoncer.
Ça doit les faire marrer les grands financiers,
confortablement installés dans leurs châteaux, devant leur grand écran incurvé
de voir leurs victimes les moins subtiles s’en prendre à leurs autres victimes
sous prétexte de les dénoncer eux !
Et puis il y a le stade ignominieux, ces gilets jaunes
(masqués et casqués pour la plupart sur les vidéos disponibles. On est rarement odieux et
courageux !) qui appellent les policiers au suicide. J’ai moi-même subit
une agression policière, pour laquelle j’ai porté une plainte
« mystérieusement » évaporée des archives du tribunal de Nanterre. Je
n’ai aucune raison de les innocenter ou même de les excuser de leurs bavures.
Parce qu’ils sont assermentés elles sont encore moins excusables que les excès
des gilets jaunes… Mais l’inhumain n’a pas sa place en démocratie. La société
promue par les gilets jaunes n’est pas plus enviable que celle qu’ils
prétendent dénoncer.
La plupart de ceux qui se livrent à ces obscénités n’ont
probablement pas conscience de la parenté de leurs excès avec ceux de
tous les régimes fascistes naissants. Ils ont juste l’aveuglement de ceux qui
sont incapables de remettre en question leurs agissements et dont les certitudes sont
renforcées par le groupe. Ils n’ont pas conscience non plus d’être manipulés par
l’extrême droite. Ils se refusent à considérer que leurs victimes sont le plus
souvent moins bien loties qu’eux…
C’est pour cela qu’ils sont dangereux.
Et il est vain de présenter quelques miettes distribuées par
le gouvernement comme des victoires des gilets jaunes. Le mouvement initial,
majoritairement constructif et non-violent rassemblait 300 000 personnes…
S’il était resté sain il serait bien plus fort aujourd’hui et surtout plus
crédible… sans les fachos. Sans ceux qui ont réduit l’espoir d’un
mouvement citoyen à l’expression d’une haine crétine et fait fuir 90% des
effectifs !
Et c’est cette foule parfois odieuse, haineuse,
inconsciente, manipulée, agressive, sans cohérence et sans vision, qui réclame la
justice sociale sans se soucier de ses propres victimes, qui réclame à cor et à
cris le pouvoir de décision et législatif par le biais de référendum
d’initiative citoyenne ?
Mais je ne veux pas être gouverné par elle !
Rest In Peace the Référendum d’Initiative Citoyenne !
Ces gilets jaunes sont la démonstration de la nécessité de
ne pas utiliser le RIC !
Si Macron n’est pas la solution, les gilets jaunes ne sont à
coup sûr pas l’antidote ! Il nous reste à repenser notre système de
représentation.