vendredi 20 janvier 2023

La réforme des retraites... le consensus du mensonge

A priori, dans un système qui se veut social, démocratique et par répartition, le discours de la première ministre est audible. Équilibrer les comptes est une nécessité et augmenter le temps de cotisation semble être une solution. Sauf qu’à y regarder de plus près avec un peu de bon sens… c’est absurde !

- Un salarié qui par à la retraite est remplacé… on ne change pas le nombre de cotisants, donc le volume de cotisation.

- Un salarié qui reste en poste plus longtemps n’est pas remplacé… et on ne change pas le nombre de cotisants, donc le volume de cotisations.

Le volume des cotisations dépend uniquement du nombre de salariés qui cotisent, donc du nombre de postes effectivement pourvus, donc du taux de chômage ! En aucun cas de la durée pendant laquelle chaque titulaire occupe le poste ou du nombre de titulaires qui se succéderont à ce poste…

Autrement dit, l’allongement de l’âge de la retraite ne crée pas de poste, n’augmente pas le nombre de cotisants et ne changera rien au volume de cotisation encaissé par notre système de retraite ! Et en lui-même ne contribuera pas à l’équilibre de celui-ci

Et c’est particulièrement évident dans un pays comme le nôtre où le taux de chômage est élevé. Certes, cela fait moins de retraites à payer, mais on doit indemniser les chômeurs qui ne peuvent pas occuper les postes qui ne se libèrent pas.

Alors pourquoi le gouvernement s’accroche-t-il à cette mesure apparemment inefficace et impopulaire ? À cause de ses effets pervers.

Dans la réalité si 2 sur 3 des 50-64 ans travaillent, ce taux tombe à seulement 1 sur 3 si on ne considère que les 60-64 ans1, et ne peut que décroître avec l’âge, dans une tranche où il est quasiment impossible de se faire réembaucher.

Seulement un senior sur 3 a du travail, et si on retire de cette minorité, les fonctionnaires, les professions libérales, et ceux dont l’emploi est plus ou moins pérennisé et qui ne cotisent pas, pour la plupart, au régime général, on tombe à quelques pourcents…

Autrement dit, plus on recule l’âge (officiel) de départ à la retraite, plus il y aura de gens qui ne pourront pas cumuler le nombre de trimestres nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein (auquel beaucoup n’arrivent qu’à l’aide de petits boulots en fin de carrière !). Autrement dit le recul de l’âge de retraite, a pour véritable but de multiplier les postulants à la retraite qui n’auront plus droit à un taux plein et toucheront une retraite fortement diminuée…

L’équilibrage du régime de retraite par le recul de l’âge de la retraite et l’augmentation de la durée de cotisation, ne peut en aucun cas reposer sur l’espoir d’encaisser plus de cotisations, mais se fera uniquement par l’appauvrissement drastique du niveau des retraites pour une grande partie de la population non protégée : les salariés du privé, la population qui crée la richesse du pays.


Et pourtant la réforme des retraites est nécessaire ! Il suffit de se confronter à ce système pour le comprendre. Notre système de retraite est opaque, extrêmement gourmand en frais de fonctionnement et un des plus injustes du monde.

Dans un post précédent2, je reviens sur les interactions, les dysfonctionnements, les aberrations, la lourdeur et l’inefficacité de ce monstre composé de l’Assurance Retraite, la Caisse Régionale de retraite, Info-retraite, AGIRC-ARCO et toutes les caisses parallèles parasites et inutiles qui (et je parle d’expériences personnelles) rendent notre système aussi opaque que coûteux et inapte à répondre aux besoins des usagers.

J’y expose aussi l’arnaque des délégations, et des différentes caisses de retraite complémentaires, génératrices d’injustices de surcoûts.

Il y a là un potentiel considérable d’économie, de progrès et de justice sociale.


Avant de rallonger la durée du travail pour créer plus de retraités pauvres, ne serait-il pas nécessaire de mettre en œuvre cette mesure évidente intégrée au premier projet du gouvernement Macron, qui proposait la suppression des 42 caisses de retraite complémentaire ? Si elles sont d’origines et de raisons d’être diverses, toutes pénalisent fortement la démocratie et notre système de retraite.

* Supprimons ces délégations de service public obtenues par des acteurs de la finance (banques, assurances…) auprès de gouvernements corrompus, qui multiplient les traitements d’un même dossier et n’ont pour seule fonction que de permettre à ces organismes de se sucrer sur le budget des retraites avec des pratiques souvent douteuses, et sans aucune utilité, ni pour le gouvernement, ni pour les retraités.

On aimerait entendre notre gouvernement et nos syndicats s’attaquer un peu plus courageusement à ces dérives capitalistes.

* Supprimons ces exceptions malsaines qui permettent aux professions à hauts revenus (comme les notaires, les avocats, les pilotes, etc.) de ne pas participer à la solidarité nationale sur laquelle repose pourtant notre système social. On comprend bien sûr, la volonté de ceux-ci de ne pas cotiser pour la plèbe, les manants et les smicards, comme ils le font déjà pour la Sécu ! Une solidarité dont peuvent s’exclure ceux qui peuvent s’en sortent par eux-mêmes grâce à leurs gros moyens… n’a juste aucun sens !

On aimerait entendre notre gouvernement et nos syndicats s’attaquer un peu plus courageusement à ces lobbys influents.

 * Supprimons surtout les caisses des régimes spéciaux, dénis de démocratie, qui ne doivent leur existence qu’au pouvoir de blocage des corporations auxquelles elles bénéficient. Les régimes spéciaux ne sont jamais justifiés par des conditions de travail ou la pénibilité (si celles-ci doivent être prises en compte, c’est de la même façon pour tous ceux qui y sont soumis, donc sans « régime spécial ». Instaurer un régime spécial, c’est faire payer cette pénibilité des uns par les autres, sur le simple critère du pouvoir de blocage d’une corporation quelle que soit la pénibilité effective !)

On aimerait entendre notre gouvernement parler vrai sur ce sujet et nos syndicats découvrir la justice sociale.


J’en reviens toujours à la même conclusion :

Une réforme est urgente et nécessaire, mais vers plus de justice et d’intégrité. Et elle passe par la réduction à une seule entité de la cinquantaine d’organismes qui trafiquent avec nos retraites, et une situation claire où les réformes sont indiscutables. Pas par le leurre de l’allongement du temps de cotisation des gens refusés par le marché du travail, et l’appauvrissement programmé de nos retraités.



1https://observatoire-des-seniors.com/669-des-50-64-ans-en-activite-en-2019/

2http://philippedroger.blogspot.com/2021/07/les-hypocrites-de-la-retraite.html