dimanche 25 novembre 2018

Gilets jaunes, grèves, manifestations et blocage...



Une petite bourgade des Alpes, samedi matin. J'occupe le siège passager d'une petite Clio…  Rond-point clef du bourg, il y a des gilets-jaunes, la circulation est ralentie. Entre chaque voiture, ils traversent lentement sur le passage clouté… un, deux, ou plus…   
Arrive notre tour, l'amie qui conduit avance prudemment. Une femme à gilet s'engage dans le passage clouté, s'arrête un instant au milieu, nous défie du regard, nous toise, puis redémarre. Il y a des policiers, un passage piéton ne peut être un lieu d'arrêt, il faut jouer le jeu. Je la regarde remonter sur le trottoir puis retraverser devant, nous. Elle fait quoi dans la vie ? employée de banque ? Caissière ? instit ? Elle obéit toute la semaine à son chef, ou à l'inspecteur… Là elle existe, elle a un pouvoir grâce au groupe, elle jubile… elle en rajoute même, tant que j'en suis un instant mal à l'aise… gênée pour elle. D'autres s'engagent. Nous n'avons pas mis de gilet derrière le pare-brise, nous étions justes partis faire quelques courses… pas la guerre.

Une autre femme avec une pancarte traverse et s'approche de la voiture. Elle hurle "klaxonnez !". Si on veut passer il faut penser comme eux… ou l'afficher, klaxonner avec un gilet derrière le pare-brise… Pas de contact, mais la tension est palpable.

En théorie, ça n'est pas à nous qu'ils en veulent. Nous sommes comme eux à subir la baisse du pouvoir d'achat, et les difficultés du moment… des victimes de ce qu'ils sont supposés dénoncer. Mais l'émulation de groupe est telle que la rationalité n'a pas sa place. Ceux qui s'opposent ici sont du même bord, veulent tous la même chose… en théorie.



Je pense un instant à cette femme bloquée par une autre femme en gilet jaune, la semaine derrière alors qu'elle emmenait son gosse se faire soigner, bousculée par ce groupe menaçant, elle s'est affolé, a démarré, a renversé son agresseuse. L'agresseuse est morte, alors la presse en a fait une victime, et c'est la femme agressée qui est devenue la coupable. Elle n'avait pourtant rien provoqué, ni personne…



Je pense à ce collègue qui s'est fait défoncer la portière de son véhicule pourtant à l'arrêt, alors qu'il était descendu discuter avec eux…



Je pense à toutes ces images d'agressions et de violence, parues dans la presse (certainement pas neutre) mais aussi les réseaux sociaux pas (pas forcément plus objectifs, mais des deux bords)…



Il y a une longue queue derrière nous avec des gens qui klaxonnent (partisans, contestataires ?)… ils finissent par nous laisser passer.



Le droit de grève, et celui de manifester sont fondamentaux  à la notion de démocratie. Le droit de blocage, le droit de rendre plus victimes ceux qui sont déjà victimes, de restreindre la liberté des autres sans la légitimité de la loi n'existe dans aucune démocratie.

Il ont quelques bonnes raisons de manifester et il ne peut y avoir de délit d'opinion, et ils le revendiquent… mais seulement pour eux ! Ils ne supportent pas l'opinion des autres, ils ne reconnaissent pas ce même droit à ceux qui ne sont pas avec eux.



Ce soir ils rentreront chez eux, en essayant de se persuader et de persuader leur entourage qu'en ayant bafoué toutes les lois et tous les principes de la démocratie, ils l'ont défendue ; en essayant de se persuader qu'en se regroupant pour menacer les gens, ils ont fait preuve de courage ; qu'en s'en prenant aux autres victimes des problèmes qu'ils prétendent dénoncer, ils ont avancé vers la solution...



En quittant le rond-point je me dis que j'ai aussi envie de me révolter... me révolter contre tous ceux qui abusent de leur position pour nier les droits fondamentaux des autres... : les politiciens élus par le peuple et qui défendent d'autres intérêts, les hommes qui abusent sexuellement des plus faibles, les gilets-jaunes…





Ceux qui nous gouvernent me font peur tant ils sont déconnectés de la réalité. Ceux qui jouent à les contester me font peur tant leurs actions, révèlent un besoin d'exister et de nombreuses frustrations et la manipulation de ceux qui se sont fait évincé de la scène politique, bien plus qu'un quelconque combat politique réfléchi.



En rentrant chez moi, je me dis que les pires horreurs de notre histoires, tous les fascismes se sont appuyés sur une foule en colère affranchie de morale parce que rassurée par son nombre, et méprisante des autres et de leurs droits. Ils portaient des chemises, grises, noires ou brunes… des gilets jaunes ?

Je connais le regard arrogant de ceux qui s'autorisent à s'en prendre aux autres par la violence parce qu'ils se donnent l'alibi d'une cause et d'un groupe. Je l'ai vu traverser sur un passage clouté.


Il ne leur manque qu'un leader qui ne se soit pas encore décrédibilisé

Marine, Laurent ou Nicolas sont hors jeu, mais il en suffirait d'un autre, un peu plus charismatique…

jeudi 11 octobre 2018

Ecologie et Communication


Alors qu'en France on est encore sous le choc de la démission spectaculaire et émouvante de Nicolas Hulot. Un débat intéressant semble vouloir enfin émerger grâce à une tribune de Carlos Tavares le PDG de PSA et de quelques scientifiques.[1]

Ils mettent en garde contre les illusions écologistes de la généralisation de la voiture électrique. Ils objectent que d'une part, une bonne partie de la pollution des automobiles vient des organes de roulage (notamment les particules produites par le freinage) et que l'énergie qui meut ces véhicules est aussi polluante. Elle est produite par des centrales électriques (le plus souvent nucléaires en France, ou au charbon en Allemagne, tant qu'on ne sera pas capable de remplacer ceux-ci par des énergies propres), qu'elle est acheminée et transformée plusieurs fois avec des pertes de rendement, stockée et restituées avec d'autres pertes de rendement et que les batteries utilisées pour cela ont des impacts environnementaux fortement négatifs tant lors de l'extraction des matériaux nécessaires à leur fabrication que lors de leur recyclage en fin de vie.
Autrement dit, le bilan écologique d'une voiture électrique ne serait pas meilleur que celui d'un modèle classique à moteur thermique. Tout au plus permettrait-elle d'externaliser hors des villes une partie de la pollution.

La polémique n'est pas nouvelle[2]. Il y a quelques années un militant écolo s'en prenait aux voitures électriques dans Paris, pour dénoncer cette mascarade. Le vandalisme n'est peut-être pas la meilleure façon d'exprimer des inquiétudes environnementales. Mais surtout, il avait en face de lui la machine Boloré (pas vraiment un grand philanthrope) et sa complice du moment Anne Hidalgo (la plus grande catastrophe écologique survenue à Paris ces dernières décennies[3]). Difficile d'être audible…


Ce débat rappelle fortement un autre débat survenu dans les années 80, sur l'obligation d'équiper les voitures à essence d'un pot catalytique. Et c'est Jacques Calvet à l'époque PDG de… PSA, qui était monté au créneau !
En effet la plupart des gens l'ignorent mais le fameux catalyseur entraine une surconsommation (donc augmente l'exploitation de nos ressources naturelles) et ne fonctionne pas à basse température (donc pollue plus et consomme plus sur des trajets courts…). En fonctionnement normale il ne diminue pas la pollution (il l'augmente même) mais il la rend moins nocive (monoxyde de carbone transformé en dioxyde de carbone…)[4].
Son efficacité globale, en milieu urbain en particulier, reste donc pour le moins très discutable. D'autant que son emploi a freiné l'arrivée des moteurs à mélange pauvre qui d'après le président du groupe automobile français auraient permis de réduire pollution ET consommation. Aujourd'hui personne ne sait dire à quelles avancées technologiques la baisse de la pollution automobile est due et même si finalement le catalyseur y joue un rôle positif !
Le pseudo débat a eu lieu entre un PDG supposé vouloir tirer avantage des avances technologiques de sa société et des politiciens "verts" (spectaculairement incompétents en tout ce qui concerne l'écologie !) soucieux de leur image et désireux de rattraper leur retard sur leurs collègues d'outre Rhin.
Finalement nos députés ont massivement voté pour la solution préconisés par… les industriels allemands !

Même en tant qu'ingénieur, je n'ai pas toutes les réponses posées par ces débats, mais j'en tire principalement deux réflexions :
- Il est très difficile de connaitre la vérité quand la politique s'empare d'un débat. Mais ça n'empêche pas de chercher à s'informer.
- Ces débats ponctuels ne doivent pas nous faire oublier que le principal enjeu de l'écologie moderne, c'est de nous faire changer nos habitudes de consommation




[1] https://www.facebook.com/photo.php?fbid=10217466854369361&set=a.3382745413512&type=3&theater
[2] http://carfree.fr/index.php/2014/02/12/voiture-electrique-la-fausse-bonne-idee-ecologique/
[3] https://www.airparif.asso.fr/actualite/detail/id/213
https://www.airparif.asso.fr/actualite/detail/id/195
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/03/07/fermeture-des-voies-sur-berge-a-paris-le-difficile-bilan-de-la-pollution_5267153_4355770.html
[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/Pot_catalytique

vendredi 21 septembre 2018

Quand l'hôpital se fout de la charité.


Ou la communication particulière de l'extrême droite…


Comme vous peut-être, j'ai assisté interloqué à l'altercation entre Eric Zemmour et Hapsatou Sy où le premier reprochait à son interlocutrice son prénom d'origine étrangère… C'est un grand classique de la communication Le pen et consorts. Etre très affirmatif sur des sujets où votre interlocuteur n'a à l'évidence pas préparé d'argument…


Le cas d'Éric Zemmour est particulier. Ses ennemis le trouvent raciste, borné et excessif. Ses défenseur lui trouve intelligence et culture… Mais là on s'interroge.


Voilà un homme qui porte un prénom d'origine scandinave et Moïse comme quatrième prénom (biblique mais pas dans le calendrier chrétien et entorse au principe calendaire qu'il veut imposer aux autres!) et un nom  hébreu-algérien… qui vient reprocher à une autre française elle aussi issue de l'immigration le caractère "étranger" de son prénom !!!

C'est vraiment l'hôpital qui se fout de la charité.

Monsieur Zemmour a par ailleurs épousé une certaine Mylène Chichportich. Or Mylène ne fait partie ni du calendrier auquel il se réfère ni de la tradition française. C'est un prénom d'origine hébreu- anglaise, qui n'a été introduit en France qu'au milieu du… XXème siècle C'est donc comme Hapsatou, un prénom d'importation récente ne figurant pas au calendrier en totale contradiction avec les préceptes clamés par son mari !... Comment fait-il dans l'intimité ? Il l'appelle Claudine ?



Plus ahurissant encore dans cette affirmation d'un nationalisme grotesque, la plupart des prénoms du calendrier auquel Monsieur Zemmour voudrait que chacun se soumette, sont issus de migrations. Il n'y a plus vraiment de prénom "Gaulois" (même réfractaires…). La plupart ont des origines latines, grecques, celtes, germaines, hébraïques, scandinaves ou arabes…

Quand Monsieur Zemmour abordera l'histoire de France, que son désir d'assimilation lui recommande de connaître, il devra s'apercevoir que comme la plupart des pays continentaux, la France est un pays de migrations. Conquise par les romains qui ont largement remplacé ses racines gauloises par leurs us latins, elle a ensuite vu passer les Francs, les Huns, les Wisigoths (qui n'ont fait que passer pour aller en Espagne), les Arabes, qui sont tout de même montés jusqu'à Poitier, les Anglais qui ont occupé l'Aquitaine et plus pendant un siècle, les Vikings qui ont abordé jusqu'à Paris… et qui nous ont laissé quelques éléments culturels, notamment des prénoms aux consonances "étrangères" comme "Eric"… Après avoir été envahis plus de cinq siècle par les Arabes, les espagnols sont aussi venus envahir la Flandre (j'y dois certaines de mes origines…). L'immigration juive a durée durant tout ce temps, des vagues d'immigrations polonaises ou italiennes ont marqué ces derniers siècles. Des invasions culturelles ont donné des générations d'enfants qui portent le nom de personnages de feuilletons étrangers (Ahhh les Sue Ellen et Pamela de Dallas !)

Notre culture s'est enrichie de ces échanges depuis le début, dans un flot continu qui n'a pas attendu Monsieur Zemmour et qui ne s'arrête pas avec lui ! Qui est-il pour imposer (et au nom de quoi ?) une date en deçà de laquelle les apports de l'extérieur seraient intégrables à notre culture, et au-delà de laquelle ils seraient considérés comme inacceptables ? Quelle est cette limite? Juste après la date à laquelle les Vikings ont introduit le prénom d'Éric ? Ou juste après l'arrivée de la famille Zemmour dans les années 50 ? Après quoi – lui se considérant comme une référence – il serait légitime à fixer les limites de la culture française ?


Si je m'exprimais d'une façon Zemourienne , je demanderais : "qu'est-ce que c'est que cet immigré (même de la deuxième génération) qui porte un nom norvégeo-judéo-algérien et qui prétend nous expliquer à nous les vrais Français, les Français de souche, comment appeler nos enfants… " 


Mais je ne suis pas Zemmourien, je répugne à ces distinguos entre "vrais" français et les autres… alors je me dis qu'il peut penser ce qu'il veut des prénoms des Français… mais qu'il arrête de vouloir imposer sa vision étriquée et en contradiction complète avec la culture et l'histoire de France aux autres… La réalité des autres est tellement plus belle !
Monsieur Zemmour assume mal ses origines et rejette ce qui vient de l'immigration. C'est dommage, mais ce type de complexe est malheureusement courant. Hitler d’origine juive rejetait les juifs. Lui n'ira pas jusqu'à l'holocauste mais les idées de ce raisonneur, qui cherche en permanence une théorie qui le rassurerait sans privilégier sa pertinence, sont malsaines parce qu'elles prônent le rejet, là où seul l'ouverture est productive.


Personnellement j'ai un prénom d'origine grecque et un nom d'origine germanique, mais je n'y suis pour rien et ça ne change pas l'homme que je suis, et jusqu'à ce qu'un type bizarre en fasse une question polémique, ça ne m'avait jamais paru autre chose qu'une curiosité culturelle…

jeudi 13 septembre 2018

Racisme et antiracisme…




Il y a quelques temps j'ai reposté sur les réseaux sociaux le témoignage d'une jeune présentatrice météo de la télévision belge – Cécile Djunga, qui se plaignait des commentaires racistes qu'elle recevait régulièrement de téléspectateurs[1]. Une femme se serait plainte qu'elle distinguait mal les traits de la jeune femme du fait de sa couleur de peau…



Il y a, par rapport à ce témoignage, un autre exemple récent qui apporte à mon sens une réponse significative. En 2017, c'est Alicia Aylies, Miss Guyane, qui a été élue Miss France. Là encore, suite à cette mise en avant, elle a reçu quelques centaines de messages injurieux au racisme débridé[2].

L'ironie de ces débordements est que la plupart de ces messages (ou tout au moins ceux qui ont été rendus publics) revendiquaient une forme de "nationalisme" poisseux, tout en témoignant d'une méconnaissance étonnante, tant de la langue française que de l'histoire de France et de la notion de citoyenneté… et finalement sont bien plus révélateurs des limites de leurs auteurs que de celles – éventuelles ou supposées – de leur cible…

Mais la vraie leçon de cette élection, dont je n'ai vu que le résumé dans le journal télévisé, est ailleurs. Sur cinq finalistes, que le suffrage de gens désireux d'élire la plus belle fille de France avait portées en finale, quatre étaient de celles qu'on désigne parfois comme "de couleur". Alors qu'une minorité inculte mais visible créait le scandale sur les réseaux, la grosse majorité de la population (qui en d'autres temps avait porté aux nues une blonde nordiste) n'y avait vu que de la beauté, et n'avaient pas éprouvé le besoin de twitter à quel point leur choix était normal...



Plus récemment encore, pendant la coupe du monde de football, des posts qui se voulaient humoristiques soulignaient les pays d'origine des joueurs de l'équipe de France, dont les parents venaient d'ailleurs. L'idée de départ n'était pas agressive, c'était plutôt celle d'une communauté issue de l'immigration désireuse de revendiquer ce succès en devenir.

Mais par rapport à ces jeunes nés en France et s'affichant fiers de porter ce maillot bleu… c'était aussi une façon peu délicate de leur dénier leur nationalité… ça n'a d'ailleurs pas échappé à certains populistes Français et étrangers[3] qui ont repris ce thème avec tout le mépris dont ils ont l'habitude. Petit rappel que la lutte contre le racisme ne peut pas se faire en opposant une catégorie à une autre…  

Reste que les millions de de fans, ceux qui étaient sur les Champs-Elysées, ceux qui partout en France ont applaudi aux exploits sportifs de ces jeunes gens, et ceux encore qui sont venus les ovationner au stade de France étaient à l'image de la population française enthousiaste et bigarrée. Et même si la foule était majoritairement blanche, elle applaudissait et manifestait son bonheur, indifférente à la couleur de peau des héros du jour. On n'imagine pas au milieu de cette ola, une banderole du type : "Bravo à Giroud, Griezmann, Pavard, et pas à certains autres..." !

Là encore, la foule anonyme est  bien plus naturelle et saine dans son comportement que les récurrents tordus de services trop visibles.



Alors Mademoiselle Djunga, il vous a paru nécessaire de dénoncer la bêtise crasse et l'agressivité de certains individus. Et vous avez eu raison. Mais ne vous laissez pas atteindre par ces manifestations d'inculture et de peur irraisonnée. Tout le monde n'a pas eu la chance de voyager, de lire de rencontrer. Ces petits esprits n'expriment que leurs propres souffrances. Ne la faites pas vôtre.

Pensez à ces milliers de gens qui chaque soir vous trouvent jolie et souriante, et n'éprouvent pas le besoin de téléphoner à la chaine pour laquelle vous travaillez pour le dire. Ou mieux encore. A ces millions de gens qui chaque soir vous écoutent pour savoir quel temps il fait, en se préoccupant plus de la clarté du ciel ou de vos explications que de celle de votre peau. Ce sont eux qui détiennent les clés de l'antiracisme. Ceux pour qui la couleur de peau ne doit pas être un combat et que bien entendu… on n'entend pas.