lundi 26 février 2018

Laurent, Ségolène, la com, et les gens…




Le débat est ouvert pour savoir si les récentes saillies de Laurent Wauquiez dans une école de commerce sont le résultat de sa légèreté ou d'un calcul politicien qui utilise le buzz pour exister.
- Dans le premier cas, alors qu'il s'était déjà montré conscient des dangers de la parole en public, cela montrerait qu'il n'est pas à la hauteur du rôle et des responsabilités qu'il prétend exercer.
- Dans le second cas, cela signifierait qu'il a choisi d'utiliser la provocation pour aller marcher sur les plates-bandes du Front National et récupérer les miettes que laisse la dégringolade de Marine Lepen… comme Florian Filippo, Nicolas Dupont-Aignan, et Nicolas Sarkozy en 2012…  Pas sûr que la démarche paye. Non seulement ils sont nombreux sur le même terrain, mais l'échec de Sarkozy en 2012 a montré que l'électorat touché par ce genre de discours restait limité.

Non seulement cette démarche risque fort d'être inefficace, mais elle est dangereuse. Bien sûr les électeurs sont influençables, friands des révélations  croustillantes et votent de façon affective et irrationnelle, mais ils sont humains et pas dépourvus de bons sens.
Certes le nouveau leader des Républicains souffre d'un déficit d'image, mais c'est aussi parce que n'ayant jamais été vraiment au premier plan, son image n'était pas trop exposée et qu'il n'a pas été entraîné dans la chute des vieux pontes du parti. Cette faille a aussi été un atout…

Ségolène

Le parcours de Ségolène Royal est assez éloquent de ce point de vue. Bien qu'issue de la même promotion de l'ENA que les Villepin, Hollande, Sapin et autre, elle peinait à exister. Malgré une ambition affichée, elle reste dans l'ombre de son compagnon apprécié de François Mitterrand. Elle occupe brièvement un ministère de l'environnement sous Bérégovoy, puis devient ministre délégué sous Jospin… pas une promotion. Elle perd ses sièges électoraux et est réputée pour ses mesures à l'emporte-pièce plus que pour une démarche de fond, et parce qu'elle n'est pas vraiment bonne camarade. Elle reste dans l'ombre de François Hollande, alors premier secrétaire du PS.

Elle dame le pion à celui-ci en annonçant sa candidature à la primaire des présidentielles de 2007 avant lui (alors qu'ils sont officiellement encore en couple, ce qui rend pratiquement impossible la candidature de son bientôt ex-compagnon pourtant ex-secrétaire du parti).
Elle croit son heure arrivée mais sa crédibilité baisse à mesure que la campagne progresse. Elle échoue devant un Sarkozy pourtant impopulaire, et échoue à nouveau à prendre le pouvoir au Parti Socialiste. Mais ces deux campagnes ont laissé des traces. La popularité dont elle avait bénéficié lors des primaires socialistes était liée à l'impopularité des dinosaures qui lui faisaient face et au fait que peu de militants la connaissaient vraiment. En sortant de cet anonymat, elle s'est exposée, et derrière le sourire figé et sa fra-ter-ni-té scandée en meeting, il y a une personnalité orgueilleuse et incompétente qui multiplie les bourdes et les coups de griffes. 

Les électeurs ont compris. Et les opérations de com qu'elle enchaine n'arrangent rien. Aux primaires socialistes de 2011 elle est balayée. Le choc est prévisible… sauf pour elle ! Son ex, devenu président, veut la sauver mais pas l'avoir au gouvernement. On lui prépare le poste prestigieux du perchoir, on la parachute dans une circonscription acquise aux socialistes, mais malgré l'appui du président et du parti, elle est évincée par un responsable local… crédible lui !
Son ex (pas rancunier !), empêtré dans d'autres déboires conjugaux, persiste à lui maintenir la tête hors de l'eau, lui trouve une rente à la BPI, puis un ministère dans le gouvernement Valls… Mais là encore elle fait preuve de son arrogance, multiplie les passages à la télé et les coups d'esbroufe, s'approprie sans scrupule des idées, des projets, des résultats qui ne sont pas les siens. Mais les électeurs comprennent très vite ces petites mesquineries et y sont bien plus sensible qu'aux réels enjeux de la politique…  
A force d'essayer de se donner de l'importance à coup de bluff, les électeurs retiennent ce qui les touche… le bluff !
Pire, la forte exposition médiatique qu'elle recherche incite ses ennemis de gauche à étaler sur la place publique son bilan calamiteux à la tête de la région Poitou-Charentes… (investissements dans le privé, systématiquement à perte, emprunts toxiques, etc…), ce qui a contribué à la décrédibiliser et renforcé son isolement dans la sphère politique

Laurent

Comme Ségolène, Laurent Wauquiez pense se façonner une image. Celle d'un homme ferme avec un langage direct. Comme Ségolène son entourage est convaincu qu'il marque des points (et c'est peut-être vrai pour le cercle fermé de ses aficionados… pour lesquels il n'a pas besoin d'en marquer). Comme Ségolène, le monde journalistique donnera de l'importance au buzz qu'il tente de créer. Après tout, c'est aussi son fond de commerce ! Mais comme Ségolène, ces coups de com risquent fort d'être interprété différemment par le "grand public", peu sensible aux postures, et qui veut être rassuré par l'être humain, en fonction de ses propres critères…
Le "bon peuple" trouvera certainement que le sieur Laurent à la dent bien dure contre ceux à l'ombre des quels il a grandi et que jadis il encensait. Et qu'il a finalement l'amitié et la considération bien versatiles. Et l'électeur moyen, loin des considérations subtiles sur les programmes politiques (eux aussi par nature très versatiles) est sensible aux valeurs qui lui importent, et la fiabilité en est une.
Pire encore il retiendra, la culpabilité de Gérald Darmanin affirmée publiquement par Laurent Wauquiez, sans la réserve décente qu'on était en droit d'attendre. Soit Laurent sait quelque chose qui lui permet d'être aussi affirmatif, et jusqu'ici il a donc protégé un coupable et tire sur l'ambulance ce qui est moche. Soit Gérald Darmanin est innocent, alors c'est un sale type qui l'aura accusé publiquement à tort

Laurent Wauquiez devrait s'inspirait de l'histoire de Ségolène. Sortir du bois n'est pas donné à tous les animaux politiques… Il faut beaucoup de finesse et de talent pour survivre à une exposition médiatique. Pas sûr que ce soit un bon calcul de la rechercher.

Et il ne pourra même pas aller se réfugier chez les pingouins… le placard est déjà occupé.