Devant les réactions épidermiques qu'elle suscite, cette
mesure annoncée par le gouvernement vaut au moins la peine qu'on se penche sur
ses fondements. Avec un regard "politique".
Il y a une chose que personne ne conteste, c'est qu'un
accident à 80km/h est potentiellement moins dangereux qu'à 90km/h. Et que la
probabilité d'éviter un accident – à réflexes et capacités de la voiture équivalents
– augmente quand la vitesse baisse.
Est-ce que cela suffit à justifier la mesure ? Les chiffres
nous parlent et il convient de tenir compte de leur enseignement avant de
conclure.
1) Une curiosité française est que les radars fixes –
prévisibles et donc facilement déjouables – ont eu, contre toute attente, un
effet bien plus sensible sur la courbe de mortalité sur les routes, que les
campagnes de radars mobiles, a priori plus hasardeux et donc plus risqués pour
les conducteurs en infraction. La différence s'explique facilement par le fait
que les radars fixes ont été installés dans des endroits accidentogènes. Alors
que personne n'a jamais vu un radar mobile utile à la sécurité. Ils sont
toujours placés dans des endroits piégeux (longue ligne droite très sûre, rampe
de décélération anticipée) qui permettent d'optimiser les rentrées d'argent
sans contribuer à la sécurité. Ils sont donc perçus pour ce qu'ils sont, des
outils du fisc… peu efficaces pour le contrôle de la vitesse et pour la
sécurité. Tant que cette politique de "pièges" perdurera, la
crédibilité de toute limitation de vitesse restera très limitée. Une annonce du
premier ministre comme : "nous allons changer complétement la politique de
répression de façon à la mettre au service de la sécurité, et une fois les
effets constatés nous envisagerons un aménagement des limitations de
vitesse" aurait eu plus de pertinence.
2) Autre constat chiffré. Le nombre d'accidents mortels
augmente ! Mais les limitations de vitesse, n'ont pas bougé depuis des décennies…
Cette augmentation ne peut donc être due à la vitesse et à l'évidence d'autres
facteurs devraient être pris en considération en priorité ! Ce qui a augmenté
ces dernières années ce sont bien sûr, les téléphones portables et leur usage
irraisonné, mais aussi la conduite sous l'emprise de substances stupéfiantes,
d'alcool ou les dérives comportementales… Ça fait 40 ans que je conduis, je
suis passé devant des milliers de radars, et j'ai soufflé une fois dans un
ballon. Pas sûr que les efforts faits dans ces domaines soient proportionnels à
leur dangerosité ! Et je ne parle pas des centaines d'écarts ou de coup de
freins donnés à cause de conducteurs absorbés dans leurs communications
téléphoniques ! Annoncer de nouvelles limitations de vitesse (réprimées d'une
façon aussi discutables) et finalement peu de mesures sur les causes
essentielles d'accidents, laisse planer un grand doute sur les réelles
préoccupations des législateurs.
3) Dernière donnée à laquelle il convient de réfléchir. Si ce
fameux raisonnement qui veut qu'en roulant à 80km/h on courre moins de risque
qu'à 90km/h est vrai… il est aussi vrai de 80 à 70km/h… et de 70 à 60km/h. Quelle
est la raison pour laquelle on voudrait ne pas accepter les morts dus à la
vitesse au-delà de 8Okm/h et accepter ceux dus à la vitesse au-delà de 70hm/h ?
Il faut être cohérent et un choc à 50km/h peut tuer sans
lésion apparente par la décélération du cerveau dans la boîte crânienne (rappelez-vous
l'accident de Michaël Schumacher… qui portait un casque !). Un piéton peut être
tué par une voiture roulant à 10km/h… Autrement dit si le raisonnement fait autorité, sa seule application logique est de supprimer tout
déplacement.
Sinon il nous faut prendre le problème dans l'autre sens. Accepter que se déplacer comporte des risques.
Décider d'un seuil de risque supportable, et faire en sorte de sécuriser au
maximum, la circulation en deçà de ce seuil… Mais baisser ce seuil pour
compenser son inefficacité par ailleurs est absurde… et pas très honnête…
Bref la réduction de la vitesse maximale légale ? pourquoi
pas, mais si elle s'inscrit dans une vraie politique de sécurité routière,
logique, de bon sens, et cohérente… On en est loin !
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