vendredi 22 mai 2020

Tous experts !



Alors que la crise du coronavirus commençait à affoler le monde, un homme annonçait qu’il avait trouvé le remède avec un médicament courant et peu cher. Il avançait à l’appui de ses dires une étude fait au sein de l’IHU de Marseille où il travaille.
Le problème est que cette étude était faite sur un échantillon trop petit et surtout sélectionné de malades. Elle montrait des résultats positifs sur une catégorie de malade où le taux de rémission est naturellement très bon, et le nombre très faibles de cobayes ne permettait pas d’affirmer que ce bon résultat n’aurait pas pu être obtenu avec un placebo…

Le Professeur Raoult, puisqu’il s’agit de lui, est un homme peu connu du grand public, mais qui jouit d’une certaine notoriété dans le milieu. Aussi malgré la faiblesse de l’étude, le milieu médical est resté réservé, soulignant l’espoir que cela donnait mais le plus souvent sans crier victoire.


Par contre dans les médias le débats s’est aussitôt enflammé, les pro-Raoult dénonçant pêle-mêle une chasse aux sorcière, un complot du gouvernement et des laboratoires (c’est dire le manque de confiance en ceux-ci !), l’incompétence et la rigidité du service public, etc.
Leurs opposant soulignant la faiblesse de cet argumentaire et l’ego envahissant d’un professeur visiblement très désireux de passer dans les médias.
Il a tout de fois été difficile de faire passer la voix de la rationalité qui disait de laisser aux médecins le droit de prescriptions dans les limites de non-dangerosité du produit et de valider au plus vite l’étude, avant de modifier la politique de lutte en conséquence.
Nous avons tous voulu y croire, et - avouons le - l’hypothèse du héro atypique ayant raison seul contre tous est bien plus séduisante que celle des dérapages d’un savant en quête d’un coup d‘éclat en fin de carrière....

Le ton est encore monté quand le professeur Raoult a pris position contre le confinement, préconisant l’auto immunisation de la population de ce qu’il définissait comme « pas pire qu’une simple grippe ».

* * *

L’intérêt de ce genre de débat c’est que la réalité du terrain vient assez rapidement les conclure.

Il y a eu cette étude publiée dans « Sciences et avenir »1 qui montrait que l’hydroxychloroquine ne pouvait pas être efficace dans le cas du Covid-19, ou alors très faiblement et à des doses où il peut s’avérer dangereux. Et puis une flopée d’études françaises2 et étrangères3 qui sont venues confirmer que ce médicament était inefficace contre ce coronavirus.

Pire ! Comme si ces multiples études avaient besoin de confirmation, aux USA, pays ou la demande d’ hydroxychloroquine a bondit de près de 1400 %4 après les prescriptions du « docteur » Donald Trump, l’épidémie se propage plus vite qu’ailleurs…

Et pour couronner le tout, l’efficacité du confinement, dénigré par le professeur Raoult, et largement plébiscité par le monde médical international (et encore plus dans les pays qui n’avaient pas les équipement en masques et en tests en début de crise !) se confirme elle aussi. L’Angleterre y vient, les États-Unis et le Brésil en sombrent, et la Suède a le plus grand nombres de décès par habitant des pays à faible contamination…

Je ne fais pas le procès du professeur Raoult. Les faits parlent d’eux-même et je laisse aux psychologues le soin de comprendre pourquoi un type en fin de carrière (il a 68 ans) a pris le risque de s’exposer de la sorte. Certes il était tentant de devenir le sauveur du monde mais dommage de couvrir d’une image de charlatan une carrière qui ne méritait certainement pas ça. Ses récentes déclaration où il nie le réchauffement climatique feront aussi partie du dossier...

Je laisse au médecins le soin d’évaluer le coût éventuel de ce coup médiatique, en moyens monopolisés autour d’un remède inefficace, ou en difficultés de soins et de crédibilité pour les médecins traitants. D’autres spécialistes évalueront les conséquences des postures de leaders populistes comme Trump ou Bolsonaro qui s’appuient sur l’hypothèse de l’efficacité de ce remède et les déclarations d’un professeur, maintenant bien seul, pour refuser le confinement afin de préserver la production et l’activité économique de leur pays.


Et le débat a pu être utile ! La communication exécrable du gouvernement, le mensonge stupide sur l’utilité des masques, et les différents scandales qui touchent les laboratoires pharmaceutiques dont plus personne ne pense qu’ils soient préoccupés par notre santé, imposaient de remettre en cause les positions de chacun. L’erreur d’un professeur ne doit pas cacher les carences graves de notre société.

Mais il nous faut constater que la très grande majorité des prises de position dans ce débat, sont le résultat de réactions affectives par rapport aux personnalités en cause (le plus souvent Emmanuel Macron ou Didier Raoult). La plupart des spécialistes improvisés sur la question sont très affirmatifs, peu documentés, virulents et se soucient peu d’étayer leurs conclusions.

Le temps va passer, le virus va s’étioler… tôt ou tard. On oubliera le professeur…
Encore une fois la foule bien-pensante s’est engouffrée en aveugle dans un combat affectif, clanique et stérile, mais qui donne bonne conscience à ceux qui s’y engagent, certains d’être du bon côté, et indifférents aux données tangibles du problème initial. 
Les mêmes qui jadis fustigeaient le gouvernement pour son manque de réaction devant la canicule, puis ont fustigé un autre gouvernement pour l’achat irraisonné de masques et autres matériel de protection, puis ont fustigé le gouvernement actuel pour le manque de masques et de matériel de protection, et à nouveau pour ne pas suivre les prescriptions du professeur marseillais, fustigeront une autre décision d’un autre gouvernement, se passionneront pour une autre cause...
Et encore une fois le gouvernement en place devra avant tout se préoccuper de faire face aux inquiétudes générées par ces réactions irrationnelles et disproportionnées, et y dépenser une énergie considérable qui devrait être consacrée à la mise en œuvre de solutions.


Le professeurs Raoult nous affirme aujourd’hui que la crise est derrière nous… Là encore j’ai envie de le croire. Espérons qu’enfin il aura raison sur un point.
















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