Alors que la crise
du coronavirus commençait à affoler le monde, un homme annonçait
qu’il avait trouvé le remède avec un médicament courant et peu
cher. Il avançait à l’appui de ses dires une étude fait au sein
de l’IHU de Marseille où il travaille.
Le problème est que
cette étude était faite sur un échantillon trop petit et surtout
sélectionné de malades. Elle montrait des résultats positifs sur
une catégorie de malade où le taux de rémission est naturellement
très bon, et le nombre très faibles de cobayes ne permettait pas
d’affirmer que ce bon résultat n’aurait pas pu être obtenu avec
un placebo…
Le Professeur
Raoult, puisqu’il s’agit de lui, est un homme peu connu du grand
public, mais qui jouit d’une certaine notoriété dans le milieu.
Aussi malgré la faiblesse de l’étude, le milieu médical est
resté réservé, soulignant l’espoir que cela donnait mais le plus
souvent sans crier victoire.
Par contre dans les
médias le débats s’est aussitôt enflammé, les pro-Raoult
dénonçant pêle-mêle une chasse aux sorcière, un complot du
gouvernement et des laboratoires (c’est dire le manque de confiance
en ceux-ci !), l’incompétence et la rigidité du service public,
etc.
Leurs opposant
soulignant la faiblesse de cet argumentaire et l’ego envahissant
d’un professeur visiblement très désireux de passer dans les
médias.
Il a tout de fois
été difficile de faire passer la voix de la rationalité qui disait
de laisser aux médecins le droit de prescriptions dans les limites
de non-dangerosité du produit et de valider au plus vite l’étude,
avant de modifier la politique de lutte en conséquence.
Nous avons tous
voulu y croire, et - avouons le - l’hypothèse du héro atypique
ayant raison seul contre tous est bien plus séduisante que celle des
dérapages d’un savant en quête d’un coup d‘éclat en fin de
carrière....
Le ton est encore
monté quand le professeur Raoult a pris position contre le
confinement, préconisant l’auto immunisation de la population de
ce qu’il définissait comme « pas pire qu’une simple
grippe ».
* * *
L’intérêt de ce
genre de débat c’est que la réalité du terrain vient assez
rapidement les conclure.
Il y a eu cette
étude publiée dans « Sciences et avenir »1
qui montrait que l’hydroxychloroquine ne pouvait pas être efficace
dans le cas du Covid-19, ou alors très faiblement et à des doses où
il peut s’avérer dangereux. Et puis une flopée d’études
françaises2
et étrangères3
qui sont venues confirmer que ce médicament était inefficace contre
ce coronavirus.
Pire ! Comme si
ces multiples études avaient besoin de confirmation, aux USA, pays
ou la demande d’ hydroxychloroquine a bondit de près de 1400 %4
après les prescriptions du « docteur » Donald Trump,
l’épidémie se propage plus vite qu’ailleurs…
Et pour couronner le
tout, l’efficacité du confinement, dénigré par le professeur
Raoult, et largement plébiscité par le monde médical international
(et encore plus dans les pays qui n’avaient pas les équipement en
masques et en tests en début de crise !) se confirme elle aussi.
L’Angleterre y vient, les États-Unis et le Brésil en sombrent, et
la Suède a le plus grand nombres de décès par habitant des pays à faible
contamination…
Je ne fais pas le
procès du professeur Raoult. Les faits parlent d’eux-même et je
laisse aux psychologues le soin de comprendre pourquoi un type en fin
de carrière (il a 68 ans) a pris le risque de s’exposer de la
sorte. Certes il était tentant de devenir le sauveur du monde mais
dommage de couvrir d’une image de charlatan une carrière qui ne
méritait certainement pas ça. Ses récentes déclaration où il nie
le réchauffement climatique feront aussi partie du dossier...
Je laisse au
médecins le soin d’évaluer le coût éventuel de ce coup
médiatique, en moyens monopolisés autour d’un remède inefficace,
ou en difficultés de soins et de crédibilité pour les médecins
traitants. D’autres spécialistes évalueront les conséquences
des postures de leaders populistes comme Trump ou Bolsonaro qui
s’appuient sur l’hypothèse de l’efficacité de ce remède et
les déclarations d’un professeur, maintenant bien seul, pour
refuser le confinement afin de préserver la production et l’activité
économique de leur pays.
Et le débat a pu
être utile ! La communication exécrable du gouvernement, le
mensonge stupide sur l’utilité des masques, et les différents
scandales qui touchent les laboratoires pharmaceutiques dont plus
personne ne pense qu’ils soient préoccupés par notre santé,
imposaient de remettre en cause les positions de chacun. L’erreur
d’un professeur ne doit pas cacher les carences graves de notre
société.
Mais il nous faut
constater que la très grande majorité des prises de position dans
ce débat, sont le résultat de réactions affectives par rapport aux
personnalités en cause (le plus souvent Emmanuel Macron ou Didier
Raoult). La plupart des spécialistes improvisés sur la question
sont très affirmatifs, peu documentés, virulents et se soucient peu
d’étayer leurs conclusions.
Le temps va passer,
le virus va s’étioler… tôt ou tard. On oubliera le professeur…
Encore une fois la
foule bien-pensante s’est engouffrée en aveugle dans un combat
affectif, clanique et stérile, mais qui donne bonne conscience à
ceux qui s’y engagent, certains d’être du bon côté, et
indifférents aux données tangibles du problème initial.
Les mêmes
qui jadis fustigeaient le gouvernement pour son manque de réaction
devant la canicule, puis ont fustigé un autre gouvernement pour
l’achat irraisonné de masques et autres matériel de protection,
puis ont fustigé le gouvernement actuel pour le manque de masques et
de matériel de protection, et à nouveau pour ne pas suivre les
prescriptions du professeur marseillais, fustigeront une autre
décision d’un autre gouvernement, se passionneront pour une autre
cause...
Et encore une fois
le gouvernement en place devra avant tout se préoccuper de faire
face aux inquiétudes générées par ces réactions irrationnelles
et disproportionnées, et y dépenser une énergie considérable qui
devrait être consacrée à la mise en œuvre de solutions.
Le professeurs
Raoult nous affirme aujourd’hui que la crise est derrière nous…
Là encore j’ai envie de le croire. Espérons qu’enfin il aura
raison sur un point.
1https://www.sciencesetavenir.fr/sante/hydroxychloroquine-son-inefficacite-etait-previsible-depuis-le-debut_143764
3
https://www.lepoint.fr/sante/coronavirus-deux-etudes-remettent-en-cause-l-efficacite-de-l-hydroxychloroquine-15-05-2020-2375562_40.php?M_BT=4436584765#xtor=EPR-6-[Newsletter-Matinale]-20200515
https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)31180-6/fulltext?fbclid=IwAR02tttlcy7YLSpQehpHYAnHeKN-4lSG0_sS8j8m0uUh2RU6utZfAjmD8JA
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