mardi 19 mars 2019

Sommes-nous démocrates ?



Comme beaucoup de mes compatriotes, j’ai été « éduqué » par l’école de la république dans l’idée assez manichéenne que le monde se partageait entre les démocraties, qui fonctionnaient plus ou moins comme la nôtre, et les régimes totalitaires où les gens étaient asservis.

Il y avait d’un côté les bons, les démocrates, nous… et de l’autre les mauvais, tyrannies de gauche (le bloc de l’est) ou de droite (différentes républiques bananières plus ou mois acceptées ou condamnées suivant qu’elles servaient les intérêts du clan des bons…).

Cette vision binaire du monde nous permettait à nous, les bons, d’intervenir militairement chez les mauvais pour le bien du peuple, et des compagnies pétrolières au nom de la démocratie.



Mais il faut bien reconnaitre que la quasi-totalité des interventions de nos forces démocrates contre des régimes autoritaires (intervenant souvent après la déstructuration du pays par la colonisation) n’ont fait que déstabiliser les pays ciblés et n’y ont, le plus souvent laissé, qu’une démocratie de façade, largement aussi peu au service de son peuple que le régime éliminé…  Pire ! Souvent dans ces pays, les pouvoirs forts – autoritaires ou dictatoriaux – qui nous font horreur (à juste titre) sont vus comme un rempart contre l’impérialisme américain et les perversions de nos démocraties !



A-t-on raison de se considérer comme un modèle ? Churchill estimait que notre démocratie était le pire des systèmes mais le seul acceptable de tout ceux qu’on avait essayé… peut être est-il temps d’essayer autre chose ? Il y a plusieurs façons d’aborder le problème, mais toutes incitent à s’interroger :



Le concept

C’est bien connu, ce sont les Grecs de l’antiquité qui ont inventé le concept et le mot de démocratie. Mais il était très différent de l’idée qu’on s’en fait aujourd’hui. Parce que la notion de citoyenneté était différente, parce que leur représentation ne reposait pas sur le suffrage universel…

Et puis, bien qu’ayant inventé le plus beau concept du monde, leur civilisation a disparue…



La sémantique

Étymologiquement, la démocratie suppose le pouvoir du peuple… Là encore tout est relatif… Je ne suis pas le premier à en faire le constat, mais en France nous avons un régime présidentiel. Ou le président de la république à non seulement ses propres prérogatives, mais le pouvoir de dissoudre l’assemblée et celui de démissionner le gouvernement… autrement dit il a un pouvoir direct ou indirect très large… On est beaucoup plus proche d’un régime monarchique (celui qui a bercé les fondateurs de la première république) où le peuple n’a finalement que l’opportunité de renverser le monarque tous les 5 ans… mais assez peu de leviers de commande. D’ailleurs il n’avait pas fallu beaucoup à Napoléon III pour transformer la seconde république en empire… 
et les français entourent toujours la fonction présidentielle des ors de la république et des honneurs rendus à un monarque, bien loin du statut de responsable politique des pays scandinaves par exemple.



Les illusions

A la démocratie sont associées un certain nombre de libertés. Notamment les libertés d’expression et de déplacement. C’est indiscutable. Il est plus confortable de vivre en France, en Hollande ou aux Etats-Unis, qu’en Chine, au Quatar ou en Russie. Ceci étant, nous connaissons tous des gens qui ont vécu ou voyagé dans ces trois derniers pays, d’une façon normale, sans se sentir opprimé. De même nos libertés sont grandes mais pas infinies, nos déplacements sont réglementés, et certains propos sont condamnés. Nos démocraties sont indiscutablement moins dangereuses mais nous nous plaçons simplement à des degrés diffèrent d’une échelle, pas à l’opposé d’un spectre. Quand on muselle un contrepouvoir chez nous, c’est moins violent qu’en Chine… mais ça arrive. A qui appartiennent les groupes de presse ? Il est bon d’être conscients de notre chance, pas de s’illusionner sur un schéma.



Plus critique encore au chapitre des illusion, le suffrage universel. Dans un précédent post, je m’efforçais d’en montrer les failles. Non seulement le suffrage universel ne garantit aucunement un fonctionnement démocratique, et l’histoire l’a souvent montré, mais il a abouti dans la plupart de nos démocraties à la création d’une classe dirigeante. Mal cadré, il nous a amené des professionnels de la politique, une aristocratie du pouvoir, ce que Raymond Barre appelait le « microcosme politique » qui se partage le pouvoir.

Plus de consultations populaires n’arrangerait pas les choses, le suffrage universel soumis à une majorité variable et influençable exclue toute vision et toute cohérence dans la gouvernance.

De plus il est confisqué par ceux qui sont actuellement au pouvoir. En refusant la prise en compte du vote blanc, il n’existe aucun moyen pour le peuple d’exprimer son désaccord avec le panel des politiques proposées. Les américains n’ont eu le choix qu’entre une Hillary Clinton peu convaincante et corrompue, et un Donald Trump, menteur et délirant. Nous même choisissons le plus souvent entre des candidats qu’on voudrait voir sortir de la vie politique… Seul le vote blanc nous permettrait de dire qu’on en veut d’autres…



Les déviations

Je ne sais pas vous mais, le mouvement des gilets jaunes me laisse un sentiment pour le moins ambigu. D’un côté je partage certaines des revendications et comprends la déception que provoque un gouvernement qui avait beaucoup promis et multiplie les erreurs. D’un autre son expression me semble souvent contestable. Si on sait qu’une partie de la casse est opérée par des « blackblocs » étrangers au mouvement, des gilets jaunes pratiquent la destruction et certains la légitimisent sur les plateaux de télévision. Non seulement cette casse est bien une attaque contre le peuple français - les biens détruits appartiennent au peuple et seront remboursés par le peuple – mais aucun membre du gouvernement ne sortira un euro de sa poche pour les réparations.

Le droit de grève comme celui de manifester sont fondamentaux dans une démocratie…. Comme le respect du bien public ou privé et celui des libertés individuelles. Quand des gilets jaunes bloquent un rond-point, c’est encore une fois une attaque contre les français. Les victimes de ces blocages, ne sont jamais des membres du gouvernement supposés être la cible de ces mouvements mais qui ont les moyens d’éviter ces désagréments, mais des citoyens pas forcément mieux lotis que ces manifestants… Quand en plus, le franchissement d’un rond-point est soumis à une manifestation d’adhésion aux idées des manifestants (gilet sur le tableau de bord ou klaxon…), alors on est dans la dérive. « Montrez que vous adhérez à nos idées, que vous nous soutenez, ou nous estimerons avoir le droit de nous en prendre à vos libertés fondamentales… », au nom de la démocratie ? C’est comme ça qu’ont commencé toutes les chemises noires, brunes, rouges ou kakis de sinistre mémoire. Tous les fachistes de l’Histoire étaient persuadés d’être légitimes… d’avoir de bonnes raisons… de s'en prendre aux droits et aux libertés des autres...



Une autre dérive de nos démocraties a été mise sous les feux de la rampe récemment… Les fameux régimes spéciaux (EdF, SNCF, RATP, ttc...). Au nom de l’égalité de traitement, la prise en compte des conditions particulières de travail d’un corps de métier est légitime, mais elle doit se faire par la loi applicable à tous. Les faire prendre en compte par un régime spécial, fait qu’une infirmière qui travaille de nuit, va payer dans son billet de train et dans ses impôts, pour que le père d’un employé de bureau de la SNCF bénéficie de billets gratuits ! Même si celui-ci n’a jamais travaillé après 16H30 ! sous prétexte que certains de ses collègues travaillent parfois aussi de nuit ! La compensation des contraintes particulières doit être la même pour tous et proportionnée à la contrainte, sinon il s’agit de privilèges… démocratiques ?



Au nom de la solidarité nationale - idée fort démocratique – on demande à tout ceux qui ont des revenus (pardon seulement les revenus du travail !) de cotiser à des caisses communes de sécurité sociale et de retraite. Très bien ! Sauf que certains se retrouvent à devoir cotiser à des caisses privées spécifiques. La suppression du RSI était une évidence, mais largement insuffisante. Même si l’existence de caisses « complémentaires », optionnelles,  organisées par certaines corporations est acceptable, le régime commun obligatoire doit être le même pour tous. La délégations de services publique accordée à des organismes financiers dont l’existence même est discutable d’un point de vue légal (RSI, CIPAV…. ) et dont le fonctionnement est évidemment malhonnête (d’après la cour des compte la CIPAV est en conflit judiciaire avec plus de la moitié de ses adhérents ! c’est même elle qui décide sans contrepartie qui est adhérent !) est injuste. L’obligation de solidarité démocratique est utilisée ici pour enrichir des organismes qui n’ont pas d’utilité, sont frauduleuses, ne profitent qu’aux financiers qui les possèdent et sont une calamité pour les usagers. Elles sont à l'origine d'inégalités sociales majeures.



On pourrait énumérer des tonnes de dérives, au nom de bons principes mais plus généralement, une démocratie ne devrait-elle pas être d’abord une société qui intègre naturellement sur un pied d’égalité et avec la même considération toutes les formes d’humanité les jeunes, les vieux les handicapés, quelle que soit leur sexe et leur origine ? et de ce côté-là…


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