vendredi 15 mars 2019

Le suffrage universel : garant de la démocratie ?




Le débat est relancé depuis que certains gilets jaunes ont mis dans leur revendications le référendum d’initiative populaire ou citoyenne….



Le principe de démocratie, qui suggère le pouvoir au peuple, implique t’il la prise de décision et la représentation du peuple par le suffrage universel ? Pas d’après les inventeurs du concept en tous cas… L’Ecclésia[1] des Grecs était constituée de citoyens tirés au sort. Ce qui peut nous sembler hasardeux, mais les avantages sont pourtant évidents. Les membres de cette assemblée étaient des citoyens ordinaires qui, la veille de leur prise de fonction, n’exerçaient aucun pouvoir et ne bénéficiaient d’aucun privilège et se destinaient à retourner dans la vie civile, dans les mêmes conditions après leur mandat, sans possibilité de planifier une « évolution de carrière ». Ce qui en faisait de vrais représentants des citoyens pas les membres d’une caste privilégiée qui se répartissaient les privilèges à coup de copinage et de parachutage et dont la carrière dépendait de leur réélection. Pas non plus de campagne électorale à coup de mensonges et de promesses de raser gratis, ou d’idéologie irréaliste.

Le suffrage universel n’était utilisé que pour désigner au coup par coup des « chefs de projet » (chef de guerre, architecte…) qui avaient des comptes à rendre sur un objectif précis.

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Le fait est que la grande majorité des électeurs ne se sent pas représentée par ses élus !!! Alors, peut-on envisager de prendre des décisions au suffrage universel ? En quoi ces décisions auraient elles plus de sens que la représentation nationale ?



- Les anglais ont voté le Brexit, emballés par les mensonges de personnalités comme Boris Johnson, qui voyait là une façon de se démarquer de ses rivaux et de soigner sa popularité… ou par ceux d’un parti d’extrême droite – l’Ukip de Nigel Farage - dont on sait aujourd’hui qu’il était financé par des Américains[2] ou même des Russes ! Aujourd’hui le parlement britannique doit choisir entre un accord humiliant et défavorable ou la catastrophe du « No deal »… voire dans la remise en question du vote populaire…



Les américains en quête de rebond, cherchaient grandeur et vision de l’avenir, ils ont élu Donald Trump, un type qui était convaincu d’au moins 5 mensonges lourds à chacune de ses interventions, connu et condamné pour sa corruption, qui change d’avis au grès de ses humeurs et qui gouverne par Tweets !... mais qui disait ce qu’ils avaient envie d’entendre… sans souci de réalisme.



Et nous… en 2017 nous avons élu un président avec près de 24% des voix… Il avait déjà engrangé les 5/6èmes de son électorat avant même d’avoir présenté son programme. Alors sur quels critères (rationnels ?) ses afficionados ont-ils choisis ? Il ne s’agit pas ici de critiquer ce choix, ni sa nomination, mais bien de s’interroger sur les critères de ce choix.



Plus significatif encore, comme je l’ai montré dans un article de ce blog en mars 2017[3], plus un pays a un taux d’immigration fort… plus son taux de chômage est bas et son taux de croissance élevé. C’est ce qu’avait bien compris la pragmatique Angela Merkel dans sa politique migratoire. Mais depuis des décennies les partis populistes, avec chez nous le Front National de Jean-Marie Lepen, nous enfument avec la théorie de « ces étrangers qui viennent bouffer le pain des Français »… Nicolas Sarkozy et Manuel Valls ont utilisé tour à tour cet argutie (alors qu’en tant qu’anciens ministres de l’intérieur, ils ne pouvaient nier ignorer la réalité des statistiques) … Jusqu’aux partis de gauches qui défendent les immigrés avec des arguments humanitaires… sans démentir les inepties de ces populistes alors que les arguments rationnels et vérifiables existent. Mais qui s’en soucie ? qui va vérifier les arguments et les théories des candidats subjectifs avant de mettre un bulletin dans une urne ?

Pire encore le Rassemblement National fait ses meilleurs scores sur ce thème dans des villages où on a jamais vu un immigré ! La peur irrationnelle ainsi créée suffit à provoquer le vote !

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Alors pourquoi les instigateurs de nos démocraties ont-ils fait du suffrage universel un pilier de notre système ? Je suis loin de partager les thèses complotistes d’un Alain Soral qui voit dans la genèse de notre système politique une façon d’imposer un capitalisme libéral, mais il faut bien convenir que la plupart de nos constitutionalistes, se préparaient à se partager le pouvoir et ont soigné leurs prérogatives. Si le suffrage universel constitue bien un verrou contre une dérive totalitaire, il n’en est pas moins un mode de décision particulièrement manipulable.



Un des plus fins observateurs de la création de nos démocraties modernes avait cette phrase terrible mais combien prémonitoire : « Je ne crains pas le suffrage universel, les gens voteront comme on leur dira »

Un siècle et demi plus tard, Churchill exprimait la même idée à sa façon plus cynique en disant : « Le meilleur argument contre la démocratie est un entretien de cinq minutes avec un électeur moyen »…



Ont peut être choqué de cette remise en question d’un pilier de notre démocratie, mais soyons honnêtes, combien d’entre nous ont étudié en toute connaissance de cause et en se donnant les compétences nécessaires, les données rationnelles, concrètes et publiques d’un programme ou d’un candidat avant d’aller voter ?... 


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Il y a un exemple de l’histoire économique que j’aime bien prendre pour illustrer ce propos.

Dans les années soixante, le constructeur automobile Renault était réputé pour fabriquer de façon déficitaire des poubelles peu fiables qui rouillaient sur son parking avant même d’être livrés aux concessionnaires. Aujourd’hui c’est le premier groupe automobile mondial…  Peut-on imaginer que cette extraordinaire remontée ait eu lieu en prenant des décisions par RIP ? Il a fallu une succession de grands patrons, compétents et avec une vrai vision pour permettre ce miracle. Alors bien sûr, on pourra objecter que ce spectaculaire redressement a bien plus profité aux actionnaires qu’aux employés et la comparaison et le modèle s’arrêtent là. D’autant que les patrons de l’entreprise visaient la réussite économique alors qu’un leader politique est supposé viser une réussite sociale dont la donne économique n’est qu’un aspect. Mais croire que le pays va sortir de son marasme sans une vision affirmée de la marche à suivre est une illusion… quelle est la vision de la foule ?



Observant la situation actuelle Denys de Bechillon publiait récemment un article intitulé : « la foule est le plus mauvais décideur politique qui soit[4] »…



Il semble bien que notre gouvernance démocratique soit à réinventer, où alors elle pourrait céder la place aux populistes. Dans l'histoire ils sont souvent arrivés au pouvoir grâce au suffrage universel...






[1] Assemblée gouvernante de ceux qui ont inventé le concept et le mot de démocratie.
[2] https://www.france24.com/fr/20170227-robert-mercer-milliardaire-ultra-conservateur-non-brexit-trump-breitbart
[3] https://philippedroger.blogspot.com/2017/03/limmigration-pour-les-nuls.html
[4] https://www.lepoint.fr/politique/macron-face-aux-technocrates-interview-de-denys-de-bechillon-24-01-2019-2288463_20.php?boc=97441&m_i=04qITyYHrOEf4ovlaqOtxYPos53ZU2kLOUFSQhDL7Ia4gHIPDV__BnRtsfvsWLhTuWydqLFq4g9SjhdK5N0e0ol5ObY00y&M_BT=4436584765#xtor=EPR-6-[Newsletter-Matinale]-20190125

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