Comme beaucoup de mes compatriotes, j’ai été
« éduqué » par l’école de la république dans l’idée assez manichéenne
que le monde se partageait entre les démocraties, qui fonctionnaient plus ou
moins comme la nôtre, et les régimes totalitaires où les gens étaient asservis.
Il y avait d’un côté les bons, les démocrates, nous… et de
l’autre les mauvais, tyrannies de gauche (le bloc de l’est) ou de droite
(différentes républiques bananières plus ou mois acceptées ou condamnées
suivant qu’elles servaient les intérêts du clan des bons…).
Cette vision binaire du monde nous permettait à nous, les
bons, d’intervenir militairement chez les mauvais pour le bien du peuple, et
des compagnies pétrolières au nom de la démocratie.
Mais il faut bien reconnaitre que la quasi-totalité des
interventions de nos forces démocrates contre des régimes autoritaires
(intervenant souvent après la déstructuration du pays par la colonisation)
n’ont fait que déstabiliser les pays ciblés et n’y ont, le plus souvent laissé,
qu’une démocratie de façade, largement aussi peu au service de son peuple que
le régime éliminé… Pire ! Souvent
dans ces pays, les pouvoirs forts – autoritaires ou dictatoriaux – qui nous
font horreur (à juste titre) sont vus comme un rempart contre l’impérialisme
américain et les perversions de nos démocraties !
A-t-on raison de se considérer comme un modèle ?
Churchill estimait que notre démocratie
était le pire des systèmes mais le seul acceptable de tout ceux qu’on avait
essayé… peut être est-il temps d’essayer autre chose ? Il y a
plusieurs façons d’aborder le problème, mais toutes incitent à
s’interroger :
Le concept
C’est bien connu, ce sont les Grecs de l’antiquité qui ont
inventé le concept et le mot de démocratie. Mais il était très différent de
l’idée qu’on s’en fait aujourd’hui. Parce que la notion de citoyenneté était
différente, parce que leur représentation ne reposait pas sur le suffrage
universel…
Et puis, bien qu’ayant inventé le plus beau concept du
monde, leur civilisation a disparue…
La sémantique
Étymologiquement, la démocratie suppose le pouvoir du
peuple… Là encore tout est relatif… Je ne suis pas le premier à en faire le
constat, mais en France nous avons un régime présidentiel. Ou le président de
la république à non seulement ses propres prérogatives, mais le pouvoir de
dissoudre l’assemblée et celui de démissionner le gouvernement… autrement dit
il a un pouvoir direct ou indirect très large… On est beaucoup plus proche d’un
régime monarchique (celui qui a bercé les fondateurs de la première république)
où le peuple n’a finalement que l’opportunité de renverser le monarque tous les
5 ans… mais assez peu de leviers de commande. D’ailleurs il n’avait pas fallu
beaucoup à Napoléon III pour transformer la seconde république en empire…
et les français entourent toujours la fonction présidentielle des ors de la république et des honneurs rendus à un monarque, bien loin du statut de responsable politique des pays scandinaves par exemple.
et les français entourent toujours la fonction présidentielle des ors de la république et des honneurs rendus à un monarque, bien loin du statut de responsable politique des pays scandinaves par exemple.
Les illusions
A la démocratie sont associées un certain nombre de
libertés. Notamment les libertés d’expression et de déplacement. C’est
indiscutable. Il est plus confortable de vivre en France, en Hollande ou aux
Etats-Unis, qu’en Chine, au Quatar ou en Russie. Ceci étant, nous connaissons
tous des gens qui ont vécu ou voyagé dans ces trois derniers pays, d’une façon
normale, sans se sentir opprimé. De même nos libertés sont grandes mais pas
infinies, nos déplacements sont réglementés, et certains propos sont condamnés.
Nos démocraties sont indiscutablement moins dangereuses mais nous nous plaçons
simplement à des degrés diffèrent d’une échelle, pas à l’opposé d’un spectre. Quand
on muselle un contrepouvoir chez nous, c’est moins violent qu’en Chine… mais ça
arrive. A qui appartiennent les groupes de presse ? Il est bon d’être
conscients de notre chance, pas de s’illusionner sur un schéma.
Plus critique encore au chapitre des illusion, le suffrage
universel. Dans un précédent post, je m’efforçais d’en montrer les failles. Non
seulement le suffrage universel ne garantit aucunement un fonctionnement
démocratique, et l’histoire l’a souvent montré, mais il a abouti dans la
plupart de nos démocraties à la création d’une classe dirigeante. Mal cadré, il
nous a amené des professionnels de la politique, une aristocratie du pouvoir, ce
que Raymond Barre appelait le « microcosme politique » qui se partage
le pouvoir.
Plus de consultations populaires n’arrangerait pas les
choses, le suffrage universel soumis à une majorité variable et influençable exclue
toute vision et toute cohérence dans la gouvernance.
De plus il est confisqué par ceux qui sont actuellement au
pouvoir. En refusant la prise en compte du vote blanc, il n’existe aucun moyen
pour le peuple d’exprimer son désaccord avec le panel des politiques proposées. Les
américains n’ont eu le choix qu’entre une Hillary Clinton peu convaincante et
corrompue, et un Donald Trump, menteur et délirant. Nous même choisissons le
plus souvent entre des candidats qu’on voudrait voir sortir de la vie
politique… Seul le vote blanc nous permettrait de dire qu’on en veut d’autres…
Les déviations
Je ne sais pas vous mais, le mouvement des gilets jaunes me laisse
un sentiment pour le moins ambigu. D’un côté je partage certaines des
revendications et comprends la déception que provoque un gouvernement qui avait
beaucoup promis et multiplie les erreurs. D’un autre son expression me semble souvent
contestable. Si on sait qu’une partie de la casse est opérée par des « blackblocs »
étrangers au mouvement, des gilets jaunes pratiquent la destruction et certains
la légitimisent sur les plateaux de télévision. Non seulement cette casse est
bien une attaque contre le peuple français - les biens détruits appartiennent
au peuple et seront remboursés par le peuple – mais aucun membre du
gouvernement ne sortira un euro de sa poche pour les réparations.
Le droit de grève comme celui de manifester sont fondamentaux
dans une démocratie…. Comme le respect du bien public ou privé et celui des
libertés individuelles. Quand des gilets jaunes bloquent un rond-point, c’est
encore une fois une attaque contre les français. Les victimes de ces blocages,
ne sont jamais des membres du gouvernement supposés être la cible de ces mouvements mais qui ont les moyens d’éviter ces
désagréments, mais des citoyens pas forcément mieux lotis que ces manifestants…
Quand en plus, le franchissement d’un rond-point est soumis à une manifestation
d’adhésion aux idées des manifestants (gilet sur le tableau de bord ou klaxon…),
alors on est dans la dérive. « Montrez que vous adhérez à nos idées, que
vous nous soutenez, ou nous estimerons avoir le droit de nous en prendre à vos
libertés fondamentales… », au nom de la démocratie ? C’est comme ça
qu’ont commencé toutes les chemises noires, brunes, rouges ou kakis de sinistre
mémoire. Tous les fachistes de l’Histoire étaient persuadés d’être légitimes… d’avoir
de bonnes raisons… de s'en prendre aux droits et aux libertés des autres...
Une autre dérive de nos démocraties a été mise sous les feux
de la rampe récemment… Les fameux régimes spéciaux (EdF, SNCF, RATP, ttc...). Au
nom de l’égalité de traitement, la prise en compte des conditions particulières
de travail d’un corps de métier est légitime, mais elle doit se faire par la
loi applicable à tous. Les faire prendre en compte par un régime spécial, fait
qu’une infirmière qui travaille de nuit, va payer dans son billet de train et
dans ses impôts, pour que le père d’un employé de bureau de la SNCF bénéficie
de billets gratuits ! Même si celui-ci n’a jamais travaillé après 16H30 ! sous
prétexte que certains de ses collègues travaillent parfois aussi de nuit ! La
compensation des contraintes particulières doit être la même pour tous et
proportionnée à la contrainte, sinon il s’agit de privilèges… démocratiques ?
Au nom de la solidarité nationale - idée fort démocratique –
on demande à tout ceux qui ont des revenus (pardon seulement les revenus du
travail !) de cotiser à des caisses communes de sécurité sociale et de
retraite. Très bien ! Sauf que certains se retrouvent à devoir cotiser à
des caisses privées spécifiques. La suppression du RSI était une évidence, mais
largement insuffisante. Même si l’existence de caisses « complémentaires », optionnelles,
organisées par certaines corporations
est acceptable, le régime commun obligatoire doit être le même pour tous. La
délégations de services publique accordée à des organismes financiers dont
l’existence même est discutable d’un point de vue légal (RSI, CIPAV…. ) et dont
le fonctionnement est évidemment malhonnête (d’après la cour des compte la
CIPAV est en conflit judiciaire avec plus de la moitié de ses adhérents ! c’est
même elle qui décide sans contrepartie qui est adhérent !) est injuste. L’obligation
de solidarité démocratique est utilisée ici pour enrichir des organismes qui n’ont
pas d’utilité, sont frauduleuses, ne profitent qu’aux financiers qui les
possèdent et sont une calamité pour les usagers. Elles sont à l'origine
d'inégalités sociales majeures.
On pourrait énumérer des tonnes de dérives, au nom de bons
principes mais plus généralement, une
démocratie ne devrait-elle pas être d’abord une société qui intègre
naturellement sur un pied d’égalité et avec la même considération toutes les
formes d’humanité les jeunes, les vieux les handicapés, quelle que soit leur sexe
et leur origine ? et de ce côté-là…